Le choix s'est porté sur la problématique du cadre juridique du télétravail car elle est au cœur de l'actualité depuis quelques mois. En effet, les partenaires sociaux français ont entamé en mai 2005 un round de négociations nationales sur le sujet afin de transposer un Accord Cadre européen de 2002 avant fin juillet 2005, date butoir imposé par l'accord européen. Il leur est demandé de trouver des solutions favorisant le développement du télétravail tout en dotant les employeurs et salariés concernés d'un cadre juridique adapté.
Ce sera un véritable accord historique puisque, comme le souligne Jean GOURIE du FDI, « ce sera la première fois que l'on permettra aux partenaires sociaux de se charger eux-mêmes de l'adaptation d'un texte européen à la réglementation nationale » au lieu de passer par la transposition d'une directive par un vote parlementaire. »
Né de la fusion de deux innovations auxquelles aucune entreprise moderne n'échappe aujourd'hui, à savoir les N.T.I.C et les nouvelles méthodes d'organisation du travail, le TELETRAVAIL est progressivement apparu ces 20 dernières années. Mais qu'entend on par télétravail exactement ?
Il n'existe aucune définition légale ou mention spécifique dans le droit social français actuel : il s'agit d'une nouvelle forme de travail au même titre que d'autres aménagements du temps de travail.
Il existe néanmoins plusieurs définitions officielles :
- La première définition officielle du télétravail remonte à 1993, lorsque Thierry BRETON remet au gouvernement son rapport « Le télétravail en France » ; en résumé, celui ci précise que c'est une modalité d'organisation où le travail est exercé de manière habituelle à distance de l'entreprise, sans que l'employeur ait la possibilité de contrôler physiquement l'exécution du travail et où le travail s'effectue grâce aux NTIC.
- Un Accord Cadre Européen signé en juillet 2002 précise un peu plus cette définition en indiquant que : « le télétravail est une forme d'organisation du travail et/ou de réalisation d'un travail utilisant les technologies de l'information, dans le cadre d'un contrat ou d'une relation d'emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué de façon régulière hors de ces locaux. »
Ces deux définitions excluent par conséquent :
- les salariés et notamment les cadres qui achèvent ponctuellement un rapport à leur domicile
- les salariés nomades qui utilisent les moyens de communication modernes appartenant à la société pour exercer leur activité commerciale
- les salariés d'une entreprise de « télé services » qui travaillent dans un établissement de cette entreprise pour différents clients
- Le Forum des Droits Internet , dans un rapport de décembre 2004 confirme cette approche sans pour autant rendre impératif le caractère « régulier » de l'activité mais en précisant que le télétravailleur est un salarié lié par un contrat de travail.
Depuis plus de 20 ans, de nombreux colloques et publications ont été dédiés au télétravail : ce thème passionne car il véhicule avec lui bon nombre de fantasmes et d'idées reçues tels que :
- travailler librement hors de l'entreprise et choisir ainsi librement ses horaires de travail afin de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle
- permettre aux handicapés de mieux s'insérer dans la vie professionnelle
- désengorger les villes et participer à un aménagement du territoire plus équilibré et au respect de l'environnement
- offrir plus de flexibilité et de productivité aux entreprises
Malgré un véritable engouement médiatique pour la question, le télétravail ne s'est pas implanté avec force en France et en Europe, contrairement aux Etats Unis ou au Canada. En 1997, on comptait à peine un million de télétravailleurs en Europe, alors qu'aux Etats-Unis, leur nombre dépasse la barre des 5 millions. Ce retard ne s'est pas comblé depuis puisqu'on estime aujourd'hui à 45 millions le nombre de « télétravailleurs » (cyberworkers en anglais) dans le monde contre seulement 14 millions en Europe. Quand à la France, d'après une étude menée par la DARES pour le FDI , elle ne compte en 2004 que 7% de télétravailleurs (soit 1,5 millions de personnes), dont 2 % de « télétravailleurs » à domicile et 5 % de « nomades ».
Un chiffre qui nous place loin derrière les États-Unis, le Canada (11 % de télétravailleurs à domicile) et les pays nordiques (en Suède, plus de 10 % de la population active travaille à distance plus ou moins régulièrement). Mais légèrement supérieur à celui de nos voisins anglais et allemands (respectivement 6,9 % et 6,5 % de la population active).
En France, certains experts de la question des NTIC au travail voient dans l'absence de réglementation du télétravail dans le code du travail une explication de ce retard. C'est notamment le cas de JE RAY lorsqu'il souligne que « le statut de l'ouvrier sur chaîne ne posait pas de problème et ne pose encore pas de difficulté : à subordination évidente, protection du droit du travail. » La DARES fait également le constat que le télétravail s'était développé de manière totalement informelle, au cas par cas, selon les besoins individuels, par le biais d'arrangements avec la hiérarchie. Les entreprises ayant défini un cadre juridique ou des règles restent rarissimes.
D'autres experts pensent que le faible nombre de télétravailleurs en France est dû au faible taux d'équipement informatique constaté jusqu'à une période récente ou aux freins psychologiques et socioculturels.
Parce que de nombreuses études existent sur ces dernières causes possibles, nous avons souhaité nous centrer sur les obstacles inhérents au cadre juridique du télétravail salarié et plus particulièrement sur les questions d'organisation et de durée du temps de travail.
Aujourd'hui, de nombreuses questions sont en suspens, malgré une évolution réelle de la réglementation du télétravail:
- La relation de subordination du salarié télétravailleur est-elle maintenue alors qu'il n'est pas présent sur le lieu de travail?
- Comment quantifier et contrôler le travail fourni par un salarié qui travaille en dehors des murs de l'entreprise, alors que la loi l'impose à tout employeur ?
- Comment distinguer un accident du travail survenu au domicile du télétravailleur avec un accident domestique ?
- Quelles sont les obligations de l'entreprise vis-à-vis du télétravailleur ?
- L'employeur peut-il imposer le télétravail ? Le salarié peut il également l'exiger à son employeur?
Cette étude doit pouvoir nous aider à comprendre le débat qui divise nos juristes français : le droit commun peut-il répondre de façon pertinente et complète aux nouvelles interrogations juridiques soulevées par le développement du télétravail salarié en France ?
Les récents accords signés par les partenaires sociaux européens et français y répondent ils ?
Ne vaudrait-il pas mieux créer un régime spécifique ou dérogatoire prenant en compte toutes les nouvelles situations, sans pour autant créer une catégorie de sous salariés ?
La première difficulté à laquelle on se heurte est de définir ce qu'est le télétravail puis de déterminer quel est son cadre juridique. C'est pourquoi nous commenceront par l'analyse de cette nouvelle pratique (§1), avant de tenter de situer le télétravail dans son cadre juridique actuel (§2). Enfin nous présenterons quelles sont les différentes réglementations qui sont en train de se mettre en place pour préciser ce cadre(§3).
[...] Les partenaires sociaux se retrouvent le 19 juillet pour une troisième séance qui devrait être conclusive. Conclusion A travers cette étude, nous avons constaté que la pratique du télétravail était une réalité reconnue et prise au sérieux par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux tant au niveau européen que national. Nous avons également relevé que le télétravail pouvait emprunter des formes à certaines catégories existantes (travail à domicile, travail indépendant ) sans pour autant s'y soumettre totalement (ceci explique peut- être pourquoi la situation paraît si complexe). [...]
[...] Pour le télétravailleur à domicile, la question de la preuve du caractère professionnel de l'accident se pose puisqu'il peut difficilement bénéficier de la double présomption qui vient d'être rappelée. En d'autres termes, si un accident survient au domicile du télétravailleur, même pendant le temps de travail, il lui appartient de prouver, par tout moyen que l'accident est survenu par le fait à l'occasion du travail. Le télétravailleur qui dispose d'une grande autonomie dans la gestion de son temps de travail et qui n'est pas soumis à des horaires collectifs obligatoires, ni même à des horaires contractuels peut être confronté à des difficultés de preuve. [...]
[...] Rappelons-nous que le régime de travailleurs à domicile a été créé par le législateur près de 30 ans après que le nombre de travailleurs à domicile ait diminué de moitié. Espérons que cet exemple ne sera pas reproduit dans celui du télétravail ! Bibliographie Principaux ouvrages & rapports BRETON Thierry " Le télétravail en France. Situation actuelle, perspectives de développent et aspects juridiques Rapport au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire et au ministre des Entreprises et du Développement économique. La documentation française LEMESLES RM et MAROT JC, Le télétravail, Que sais je ? [...]
[...] La France, aussi curieux que cela puisse paraître est l'un des derniers pays de l'Union à ne pas avoir adopté l'accord-cadre européen quand début mai 2005, ses partenaires sociaux se mettent autour de la table. Sur le fond, les signataires européens ont eu la volonté d'encadrer la pratique du télétravail tout en restant assez général : ( L'accord fait le constat que le télétravail n'est qu'une simple modalité d'organisation du travail salarié et prend acte du développement croissant du télétravail en Europe. [...]
[...] Soc, mars 1992, p.525 RAY J.E Droit du travail et NTIC , Droit Social novembre 2001 RAY J.E Le droit du travail à l'épreuve des NTIC, Editions Liaisons, décembre 2001 BARTHELEMY Jacques, Droit de la Durée du travail, 2e édition. ALIX P. Comprendre et pratiquer le Télétravail, Editions Lamy DUAL G. et JACOT H., Le travail dans la société de l'information BENALCAZAR Isabelle, Droit du travail et nouvelles technologies Editions Montchrétien 2003 MONEIN David : Télétravail : la nécessaire création d'un statut spécifique DEA Droit social présenté en 2001 sous la direction du Professeur B. [...]
Référence bibliographique
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