A l'origine, on s'est interrogé sur la nature contractuelle ou délictuelle de la responsabilité civile du commissaire aux comptes, moins vis-à-vis des tiers (créanciers), pour lesquels il n'est pas douteux que la responsabilité est délictuelle, que vis-à-vis de la société et des associés.
A l'égard de la société qu'il contrôle et des associés, le commissaire est-il tenu d'une responsabilité contractuelle ou délictuelle ?
Sous l'empire de la loi du 24 juillet 1867, l'article 43 édictait que « l'étendue et les effets de la responsabilité des commissaires envers la société sont déterminés d'après les règles du mandat ». La situation du commissaire étant alors analysée comme celle d'un mandataire, il ne faisait aucun doute qu'à l'égard de la société et des associés, sa responsabilité en cas d'inexécution ou de défaut d'exécution de son mandat ne pouvait être que contractuelle.
Dans la loi du 24 juillet 1966, toute référence au mandat ou à la responsabilité du mandataire a disparu de l'article 234, et les premiers commentateurs de la réforme de 1966-1967 ont immédiatement estimé que la thèse contractuelle devait être abandonnée au profit de la thèse institutionnelle. Le commissaire aux comptes est désormais un « fonctionnaire de la société », investi d'une mission légale de surveillance. Ils ont trouvé confirmation de leur thèse dans la loi du 1er mars 1984 : le commissaire aux comptes, qui est désormais chargé d'une véritable mission d'intérêt général, « est une pièce du mécanisme juridique organisé par la loi » (G. Ripert et G. Roblot). Son lien avec la société ne peut être qualifié de contractuel et sa responsabilité civile, lorsqu'elle est recherchée dans le cadre de sa mission légale, ne peut être que sur le terrain délictuel.
L'examen de la jurisprudence révèle que les litiges les plus fréquents ont trait à des prises de participations au vue de bilans erronés et à des détournements de fonds commis par des salariés de la société contrôlée, qui n'ont pas été décelés par le commissaire aux comptes. Dans une moindre mesure, on relève des contentieux liés à des différends entre associés majoritaires et minoritaires et à des procédures collectives.
C'est ainsi que nous étudierons la responsabilité civile des commissaires aux comptes, au travers d'une jurisprudence abondante, en deux parties. Premièrement, il est opportun de signaler que comme toute responsabilité civile, celle du commissaire aux comptes requiert la réunion de trois éléments qui sont l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le fait générateur de la responsabilité et le dommage. Dans une deuxième partie, il est intéressant de constater que le commissaire aux comptes dispose d'un certain nombre de moyens lui permettant de s'exonérer pour toute ou partie de sa responsabilité en faisant jouer par exemple la nature de son obligation qui n'est qu'une obligation de moyen, ou bien la responsabilité partagée avec les auteurs des malversations, ou encore la prescription de trois ans entraînant une extinction de l'action en responsabilité civile.
[...] La preuve pourra également résulter des dossiers de travail du commissaire mis en cause. En dehors de ces hypothèses, elle sera beaucoup plus difficile à rapporter. Toutefois, le commissaire, ne pourrait s'abriter derrière une carence totale de diligences pour justifier sa méconnaissance de l'infraction. C'est ainsi que le défaut de révélation de l'infraction commise par un chef comptable n'a pas permis de mettre fin à une situation préjudiciable pour la société, qui obtient réparation de l'important dommage qu'elle subit ; ou encore, des tiers trompés par une certification erronée des comptes sociaux ont participé à son capital avant de découvrir une situation obérée qui conduit à la perte de leurs apports. [...]
[...] Enfin, le commissaire aux comptes a omis de mentionner le changement de méthode dans son rapport, sans justification. Il est donc établi que les négligences commises par le commissaire aux comptes dans l'exercice de sa mission de contrôle sont à l'origine de la certification erronée des comptes. Dans cet arrêt, il est fait référence au terme négligence et non faute car en l'espèce le commissaire aux comptes n'avaient aucunes intention d'effectuer une certification erronée mais cette dernière est due à l'incompétence ou l'étourderie du commissaire aux comptes. [...]
[...] il y a lieu de les condamner in solidum avec la société de commissaires aux comptes à réparer les préjudices subis. Selon l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, lorsqu'un mandat de commissaires aux comptes a été confié à une société de commissaires aux comptes, chaque acte accompli par l'un des associés, actionnaires ou dirigeants de cette société ayant la qualité de commissaire aux comptes, l'est au nom et pour le compte de cette société, seule titulaires du mandat, de sorte que, en l'absence de faute détachable de ses fonctions commise par le rédacteur des rapports, seule la personne morale titulaire de la mission de commissaire aux comptes peut voir mise en cause sa responsabilité civile, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité. [...]
[...] VIDAL, Le commissaire aux comptes dans la société anonyme LGDJ G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les obligations, La responsabilité (conditions) 1998, LGDJ Articles et chroniques J.-F. BARBIERI, De quelques aspects du secret professionnel des commissaires aux comptes, Bull. Joly p.935, n°340 M. J. COFFY de BOISDEFFRE, La responsabilité du commissaire aux comptes : trois ans de décisions judiciaires, Eco. et comptabilité, mars 1988, p.13 A. [...]
[...] (Cons. Rapp. Martin) septembre 1999, n°5219 PFP. Et autres Cass. Com. (Cons. Rapp. Métivet) octobre 1999, SARL Van der Have France Beaugé Cass. [...]
Référence bibliographique
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