Cas pratique, droit communautaire de la concurrence, restriction de concurrence, applicabilité, juge communautaire
La société Biofutur est une multinationale verticalement intégrée et active dans le secteur de la chimie, des médicaments et des produits de beauté. Alors qu'il parcourt les allées d'un salon professionnel dédié aux produits pharmaceutiques, Gérard Laflèche, vice-président de Biofutur passe devant le stand de la société Transgaine, productrice comme la société Biofutur de substances chimiques destinées à la fabrication de médicaments. Il reconnaît le responsable de la division « matières premières » chez Transgaine, Robert Sacoche et le convie à prendre un rafraîchissement.
Tandis qu'ils se dirigent vers la brasserie la plus proche, les deux compères croisent André Pignon, responsable « Production » chez Zoonix. Les trois sociétés représentées par ces trois personnes pèsent plus de 60% du marché de certaines substances chimiques. Discutant de la situation de leurs entreprises respectives, ils se rendent compte qu'ils partagent la même vision des évolutions de certains marchés à court terme.
Ils conviennent que suite aux catastrophes naturelles observables dans certaines régions du globe, ils seront amenés à répercuter la hausse du prix des matières premières sur le prix de vente du Plutagole, substance chimique utilisée dans la fabrication de plusieurs médicaments très répandus.
La branche pharmaceutique de la société Biofutur connaît une période difficile. Les coûts de recherche-développement consacrés à la mise au point de nouveaux médicaments explosent tandis que les prix de vente aux consommateurs sont fixés par les États membres de l'Union européenne. Le prix de vente des médicaments fixé par l'État autrichien est ainsi 20% plus élevé que le prix de vente en France.
Après avoir observé que les grossistes répartiteurs français revendaient les médicaments à des grossistes répartiteurs autrichiens et observant une baisse de ses revenus, la filiale autrichienne de Biofutur a alerté sa maison mère. Cette dernière a alors invité sa filiale française à prendre les mesures nécessaires. Moyennant quelques contreparties, Biofutur France a réussi à convaincre les grossistes répartiteurs français de ne pas vendre de médicaments aux grossistes répartiteurs installés dans d'autres États membres.
Pour fabriquer son produit phare, Revival®, leader sur le marché des crèmes hydratantes pour la peau avec 40% de parts de marché, BIOFUTUR est obligée de s'approvisionner auprès de l'entreprise Prosanté en hydrobenial, matière première très spéciale entrant dans la composition du Revival®. Afin d'obtenir un prix attrayant, Biofutur s'est engagée à se fournir exclusivement auprès de Prosanté.
À l'issue du processus de fabrication, Biofutur distribue ses produits de beauté par l'intermédiaire de ses filiales implantées en Europe. La filiale française propose un contrat de distribution aux distributeurs potentiels. Le contrat proposé aux distributeurs indique que la marge habituellement pratiquée par les distributeurs de produits Biofutur se situe entre 2 et 2,5 et invite les signataires à appliquer un tel coefficient sur leur prix d'achat. L'accord contient en revanche une stipulation spéciale relative à la crème Revival® précisant qu'elle sera vendue par le distributeur au prix de 30 euros sous peine de se voir refuser les commandes ultérieures de ce produit.
Ce contrat prévoit également les conditions d'organisation et de vente qui doivent caractériser les points de vente. Parmi ces conditions figure une clause stipulant que le distributeur consacrera au moins 50% de son espace de vente à l'activité de vente de produits cosmétiques.
Enfin, l'autorisation d'ouverture d'un site Internet dédié au commerce en ligne des produits. Biofutur est exclusivement réservée aux distributeurs qui disposent déjà de points de vente physiques.
[...] Tout d'abord, il faut que cette clause ait pour but de promouvoir le progrès technique et économique ; or il apparaît ici difficile que cette clause poursuive cet objet. En effet, bien que la société BIOFUTUR ait fait des investissements pour s'approvisionner exclusivement auprès de l'entreprise Prosanté en hydrobenial, matière première très spéciale entrant dans la composition du Revival®, le fixement du prix de ce produit ne promeut pas le progrès technique et économique, bien qu'il puisse éventuellement servir à rentabiliser les coûts. [...]
[...] Les grossistes ne sont donc pas des simples victimes de la volonté unilatérale de la filiale, mais font aussi partie de ce processus d'accord qui s'opère entre les deux parties. Il y a donc véritablement un accord qui est mis en place entre les grossistes et la filiale. En ce sens, la CJCE affirme dans l'arrêt GSK que selon une jurisprudence constante, pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d'un accord, il convient de s'attacher notamment à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère Ainsi, nous pouvons dire qu'en l'espèce les dispositions de l'accord, qui sont en fait la cessation du commerce parallèle qui est considéré comme bénéfique puisqu'il permet de développer les échanges au niveau communautaire, affectent la libre concurrence entre les opérateurs économiques. [...]
[...] Puis, il faut prouver que la restriction de concurrence est véritablement indispensable. En l'espèce, il semble difficile de prouver que cette restriction soit indispensable puisqu'elle tend plutôt à contraindre les distributeurs, en leur posant des conditions rigides et difficiles. Enfin, il ne faut pas qu'il y ait d'élimination radicale de la concurrence. Ce n'est pas le cas ici, même si la concurrence se voit restreinte. Cette clause ne peut pas non plus bénéficier de l'exemption individuelle au titre du paragraphe 3 de l'article 81, et de ce fait cette pratique est contraire au dit article. [...]
[...] La société risque donc également de se voir sanctionner pour cette clause. Finalement, s'agissant de la clause interdisant l'ouverture de sites internet de vente aux distributeurs n'ayant pas de points de vente physique, si l'on prend en compte la première condition selon laquelle il faut donc tout d'abord que cette clause ait pour but de promouvoir le progrès technique et économique, en l'espèce, la clause va totalement en contrariété du progrès technique et économique. En effet, l'utilisation de nouveaux outils de vente tels qu'internet vont à l'encontre de ce progrès. [...]
[...] On pourrait considérer dans un premier temps qu'il puisse s'agir d'une clause de distribution sélective qualitative, selon les termes employés par les lignes directrices sur les restrictions verticales (2000/C 291/01). En effet, au point 185 de celles-ci, il est précisé que cette distribution sélective quantitative consiste à agréer les revendeurs sur la seule base de critères objectifs requis par la nature du produit tels que la formation du personnel de vente, le service fourni dans le point de vente, l'assortiment des produits vendus, etc. [...]
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