Cas pratique, droit communautaire de la concurrence, collusion, restriction, Commission européenne, cour de justice
Cas pratique n°1 - Au cours d'une inspection surprise au sein de la société Minomar SA, active dans la production et la vente de ciment, la Commission européenne a découvert un échange de courriers électroniques dont la teneur est la suivante : "Cher Yves, merci pour ton message. J'espère que ta petite famille va bien. Je partage à 100 % l'avis des autres participants et je pense que nous avons tout à perdre si nous continuons à nous faire concurrence sur nos marchés nationaux respectifs. À bientôt. Jean-Paul "
La réponse de Yves, le Directeur des ventes de Minomar est la suivante : "Cher Jean-Paul, c'est avec grand plaisir que j'ai constaté ta présence lors de notre réunion d'hier soir. Je n'ai malheureusement pas pu m'attarder, car Lucie avait son cours de gymnastique à 19 heures et j'étais donc chargé de garder les enfants… Je t'adresse ce message, car je voulais m'assurer que tu adhérais bien aux principes évoqués hier soir. Pour rappel, il s'agit de mettre en oeuvre le principe du "home market" pour une durée de 1 an sur le marché de la vente de ciment. J'ai déjà reçu plusieurs réponses favorables de la part des confrères représentant nos concurrents européens qui étaient présents à la réunion d'hier."
En approfondissant sa recherche, la Commission européenne a découvert des réponses similaires émanant de la société allemande Klugar AG, de la société américaine Mikigan Inc. et de la société espagnole Navarro SA.
Cas pratique nº 2 - L'entreprise Andréa est membre de l'association professionnelle Zora qui regroupe les entreprises actives dans le secteur de la vente de produits sanitaires. Le 10 janvier 2006, l'entreprise Andréa s'est rendue à une réunion organisée par plusieurs membres de l'association. Lors de cette réunion, l'entreprise Andréa a constaté à sa grande surprise, que les entreprises Mirielle, Dubolle et Caneva ont spontanément et individuellement fait part de leur intention d'augmenter leur prix de vente pour le produit Gamma dans une fourchette allant de 15 à 20%.
Au cours d'une inspection au sein de l'entreprise Andréa, la Commission européenne a découvert les notes qu'elle avait prises lors de la réunion du 10 janvier 2006 et démontrant l'existence des annonces de prix des sociétés Mirielle, Dubolle et Caneva.
[...] Grâce à ces éléments nous pouvons donc conclure que la pratique en cause constitue bien un accord puni par l'article 81 du traité CE. D'ailleurs une des interdictions posées dans le paragraphe 1 de cet article est justement les accords ayant pour objet de répartir les marchés et par extension en l'espèce de limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements Cet accord constitue donc une violation au droit communautaire de la concurrence qui sera alors applicable et qui condamnera les entreprises mêlées dans cet accord. [...]
[...] Il convient maintenant d'analyser si les pratiques en cause sont contraires au droit communautaire de la concurrence. L'article 81 dispose en effet dans son paragraphe 1 que sont incompatibles et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun Autrement dit, le droit communautaire de la concurrence interdit toutes sortes d'accords entre opérateurs économiques dont l'objet serait d'affecter de manière nocive le marché commun et le jeu de la concurrence. [...]
[...] Il y a donc bien lieu de faire cette distinction entre accord et pratique concertée : c'est dans le dessein d'aborder une forme de coordination entre entreprises qui sans avoir été poussées jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique». Il s'agit d'une coopération pratique pour tourner le jeu normal de la concurrence qui suppose un comportement de concurrence. Il y a véritablement utilité à cette distinction par l'intensité et par les formes de la coordination Dans l'arrêt Thyssenstal du cartel de l'acier en 2003, la cour de justice indique bien que la pratique concertée n'exige pas l'élaboration d'un véritable plan ou d'une stratégie anticoncurrentielle. [...]
[...] Le droit communautaire de la concurrence exige de distinguer entre relations verticales, c'est-à-dire entre les fournisseurs et ses distributeurs, et relations horizontales, c'est-à-dire les relations entre opérateurs de même rang concernant la preuve. En l'espèce nous sommes bien face à des relations horizontales, puisque les entreprises sont en tout état de cause toutes deux productrices et vendeuses de ciment, tout comme les autres entreprises en cause. Ainsi, s'agissant des relations horizontales, l'accord repose sur la preuve bien établie d'une invitation et d'un acquiescement. [...]
[...] Il faut savoir anticiper les choix de politique commerciale de ses concurrents, une entreprise doit être à l'affut pour voir quels sont les choix des concurrents. Mais cette exigence d'autonomie s'oppose rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre les opérateurs. S'agissant de la preuve de la pratique concertée, le parallélisme des comportements est insuffisant comme le rappellent les arrêts Anic de 1999 et ICI de 1972 de la CJCE. Il s'agit véritablement d'un acquis. La cour de justice refuse de céder à cela au nom de la présomption d'intelligence des opérateurs économiques. Ce n'est pas la preuve d'une pratique concertée. [...]
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