Cas pratique, direction générale de la Société Anonyme, SA, conseil d'administration, Code civil, désignation, révocation déguisée et fautive
Rôle pivot dans la société anonyme, le directeur général est aujourd'hui obligatoire au sein d'une SA. Au vu de son importante mission, celui-ci peut être assisté par un directeur général délégué dont le sort suit celui du directeur général. Cependant, une telle règle est parfois utilisée de manière abusive à l'encontre du directeur général délégué. Tel est le cas notamment en l'espèce.
À l'occasion d'un conseil d'administration, Monsieur Lincal, directeur général de la société anonyme « Matchupitchum », « a remis son mandat à la disposition du conseil » en considération des mauvais résultats de la société, ce qui ne figurait pas à l'ordre du jour. Au vu de cette honnêteté, le conseil le renomma président de la société au cours de la même séance. Cependant, le conseil estima que cette nouvelle nomination mettait fin au mandat de directeur général délégué de Monsieur Boudu. De plus, Monsieur Lincal ne proposant pas la nomination d'un nouveau directeur général délégué, Monsieur Boudu se trouva écarté de la SA qu'il avait contribué à fonder et dont il avait fidèlement servi les intérêts tout au long de sa carrière. Monsieur Boudu entend donc contester cette décision de mettre fin à ses fonctions de directeur général délégué.
[...] S'estimant avoir été écarté de la direction de la société dont il était fondateur l'un des deux directeurs généraux contesta alors cette mise à l'écart en affirmant qu'elle s'était produite dans des conditions équivalentes à une révocation et qu'elle revêtait un caractère abusif En l'espèce, la chambre commerciale déclara que l'éviction du directeur général avait été obtenue à la faveur d'une désignation artificiellement qualifiée de nouvelle qui [avait] permis au président de ne pas proposer de directeurs généraux et ainsi d'écarter ceux qui étaient en fonction sans les révoquer officiellement De plus, il s'avérait que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté puisqu'il n'y avait eu aucune discussion ni aucune possibilité donnée [au directeur général] de connaître les motifs de la décision prise à son encontre et de pouvoir présenter ses observations pour la défense de ses intérêts Ainsi, conformément à la Cour d'appel de Paris, la Cour de cassation déclara que cette façon de procéder pour évincer de la direction de la société l'un de ses fondateurs [s'avérait] déloyale Selon la jurisprudence, un tel procédé employé constitue donc une révocation déguisée et fautive, comportement déloyal réalisé dans le seul dessein d'évincer un directeur général de SA (CA Paris mai 2001 ; Cass. Com novembre 2004). [...]
[...] Une telle révocation donnerait alors droit à des dommages et intérêts (article L 225-55). Par ailleurs, il a été consacré qu'une telle solution pouvait, à l'avenir, s'appliquer à la situation des directeurs généraux délégués. La société en l'espèce est la société anonyme Matchupitchum SA régie par les articles 1832 et suivants du Code civil, dispositions générales applicables à toutes les sociétés (article 1834 du Code civil), et par les articles L 225-1 et suivants du Code de commerce. La société anonyme en l'espèce comprend un conseil d'administration, un directeur général, Monsieur Lincal, et un directeur général délégué, Monsieur Boudu. [...]
[...] Le directeur général délégué n'a pas de pouvoirs propres. C'est le conseil d'administration qui, en accord avec le directeur général, détermine l'étendue et la durée des pouvoirs qui lui sont conférés (article L 225-56 II, alinéa 1er). Ainsi, selon l'article L 225-56 II du Code de commerce, la durée du mandat de directeur général délégué est fixée par le conseil d'administration en accord avec directeur général. Assistant du directeur général, le directeur général délégué suit le sort de celui-ci (article L 225-55 alinéa 2). [...]
[...] A la fois chef d'entreprise et représentant légal de la société, le directeur général exerce la direction générale de la SA et s'avère être le véritable patron de la société (article L 225-51). Pour exercer sa lourde mission, le directeur général peut souhaiter être assisté par des directeurs généraux délégués afin d'être déchargé d'une partie de ses fonctions. En effet, sur proposition du directeur général, le conseil d'administration peut nommer une ou plusieurs personnes physiques chargées d'assister le directeur général, avec le titre de directeur général délégué (article L 225-53 du Code de commerce). [...]
[...] En tant que directeur général délégué, Monsieur Boudu n'a pas de pouvoirs propres. C'est le conseil d'administration de ladite SA qui, en accord avec Monsieur Lincal, détermine l'étendue et la durée des pouvoirs lui étant conférés (article L 225-56 II, alinéa 1er). Son sort suit donc celui de la personne du directeur général qu'il assiste, à savoir Monsieur Lincal (article L 225-55 alinéa 2 du Code de commerce). Or, en l'espèce, Monsieur Lincal a remis son mandat à la disposition du conseil en considération des mauvais résultats de la société et ce, à l'occasion d'un conseil d'administration, ce qui ne figurait pas à l'ordre du jour. [...]
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