Cas pratique, transfert d'entreprise, Code du travail, licenciement, réintégration, contrat de travail, faute grave, collusion frauduleuse, indemnisation, rupture du contrat de travail
La société Civin, spécialiste des repas et cocktails gastronomiques, employant un total de 350 salariés, cède à la société Tornado, spécialiste de la fabrication et la livraison de repas à domicile, un établissement comptant 40 salariés. Cet établissement était justement spécialisé dans la fabrication des emballages nécessaires pour transporter la nourriture destinée aux cocktails. La société Civin a externalisé cette activité pour se recentrer sur l'activité de restauration.
La société Tornado, impliquée dans le développement durable, souhaite affecter les salariés occupés dans l'établissement à la production d'emballages-repas recyclables destinés au conditionnement des repas à domicile. Une organisation syndicale représentative au sein de la société Civin distribue alors des tracts invitant les salariés à s'opposer au transfert de leur contrat de travail. D'autre part le directeur des ressources humaines (DRH) de la société Civin est préoccupé quant à la situation de trois salariés.
M. Bocuse, ancien salarié de la société Civin, se plaint d'avoir été licencié à l'occasion du transfert et réclame des dommages et intérêts à la société Civin.
Mme Troisgros, en arrêt de travail pour maladie au sein de la société Civin au moment du transfert, estime qu'elle ne fait pas partie des salariés concernés par l'opération et refuse ainsi le transfert de son contrat au sein de la société Tornado.
M. Ducasse, lui aussi salarié de la société Civin, est gestionnaire de stocks pour l'ensemble de la société et il intervient 10 heures par semaine au sein de l'établissement transféré. Il se demande quelle va être sa situation après le transfert.
[...] Il n'effectue en effet qu'une partie de son travail, moins du tiers de la durée légale du temps de travail, au sein de l'établissement concerné par le transfert. M DUCASSE ne souhaite pas s'opposer à l'éventuel transfert de son contrat mais seulement connaître son devenir. Le contrat de M DUCASSE va en réalité être dédoublé. Il devra travailler pour partie au sein de la société CIVIN, et continuer dans les mêmes proportions qu'auparavant son travail dans l'établissement transféré à la société TORNADO. [...]
[...] D'autre part une réorganisation de l'entreprise avant le transfert peut rendre le licenciement nécessaire (Soc novembre 1991). Cependant ce type de jurisprudence dans la lignée de l'arrêt Kronembourg rendu par la Chambre sociale en 1979, en faveur de l'employeur, tend à se rigidifier. Ainsi un arrêt de la même chambre rendu dix ans plus tard (Soc juillet 1990) expose que l'intention du repreneur de continuer l'activité sans le salarié ne peut justifier son licenciement par le cédant. Par contre si la société CIVIN est en difficulté financière, le liquidateur pourra prononcer les licenciements qu'il juge nécessaires lors du transfert de l'activité, mais cela ne semble pas être le cas en l'espèce. [...]
[...] C'est donc une entité économique organisée disposant de réels moyens humains, produisant un travail effectif de fabrication d'emballages. Concernant l'autonomie de l'entité, elle est évidente. Il s'agit d'un établissement de la société CIVIN et non d'un quelconque service de la société qui serait dépendant directement des services centraux. Cet établissement a certainement une organisation interne propre, et les salariés travaillant en son sein y sont spécifiquement affectés. L'identité de l'entité transférée est également vérifiée de par la continuation de l'activité de l'établissement. Les salariés vont continuer à fabriquer des emballages destinés à la livraison de repas. [...]
[...] Mais étant donné que les salariés sont visiblement mécontent du transfert de leurs contrats de travail et souhaitent s'y opposer, M MISTRAL, DRH de la société CIVIN, aura tout intérêt à négocier la reprise du contrat de travail de M BOCUSE par la société TORNADO. En effet si le salarié est licencié avant le transfert mais que le repreneur lui propose sa réintégration avant la fin du préavis le salarié ne pourra demander aucune indemnisation, à aucune des deux sociétés (arrêt Voisin Soc mars 2003) Hypothèse du licenciement postérieur au transfert Si le licenciement de M BOCUSE a eu lieu après le transfert à la société TORNADO, M MISTRAL n'a pas de souci à se faire, la société CIVIN n'aura rien à payer. [...]
[...] Il se demande quelle va être sa situation après le transfert. De prime abord il s'agit de voir si l'article L 1224-1 du Code du travail, texte fondamental en matière de transfert de contrat de travail, est applicable à ce transfert Dès lors il faudra traiter le cas des trois salariés en particulier (II). I L'applicabilité de l'article L 1224-1 du Code du travail L'ancien article L 122-12 du Code du travail, maintenant article L 1221-4 depuis la recodification récente, expose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise Ce texte, d'ordre public, s'oppose au principe classique de l'effet relatif des contrats, mentionné à l'article 1165 du Code civil. [...]
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