Par essence même, l'entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective a besoin, dans l'optique d'un sauvetage de son activité, ou même simplement afin de pouvoir poursuivre cette dernière, d'un minimum d'argent frais, et de la confiance de quelques partenaires économiques indispensables.
Or, toujours dans une logique implacable, si l'entreprise fait l'objet de la procédure collective c'est qu'elle connaît des difficultés, dont la nature et l'ampleur sont susceptibles de varier en fonction de la procédure envisagée , mais qui demeurent des difficultés quand même. Dès lors on peut comprendre que les personnes susceptibles d'accorder du crédit au débiteur ne soient pas légion.
C'est pourquoi le droit français a, de tous temps, fait bénéficier les créanciers qui soit acceptaient que la relation contractuelle soit continuée après l'ouverture de la procédure, soit qui s'engageaient dans un lien contractuel avec le débiteur postérieurement à cette ouverture, d'une situation privilégiée. Le mécanisme est celui que le langage courant nomme communément « l'âne et la carotte » : le créancier est incité à contracter avec le débiteur par le traitement préférentiel dont sa créance fera ensuite l'objet, dérogeant ainsi aux règles traditionnelles de classement des créanciers entre eux.
Avant la loi de 1985, cette priorité résultait d'une construction prétorienne reposant sur la notion de « masse » : il s'agissait d'un groupement auquel la jurisprudence reconnaissait le bénéfice de la personnalité morale et dont faisaient partie tous les créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure, chirographaires ou titulaires de privilèges et sûretés, et qui étaient ainsi soumis à la discipline collective. La pratique parlait de créanciers « dans la masse » qui se voyaient appliquer le principe d'une égalité de traitement. Les créanciers postérieurs, qualifiés de créanciers « de la masse » échappaient pour leur part à cette discipline et à ce titre pouvaient agir individuellement afin de se faire payer par priorité par rapport aux créanciers dans la masse.
Si cette solution n'a pas été reprise par la loi du 25 janvier 1985, celle-ci en avait néanmoins retenu l'une des conséquences pratiques essentielles dans son article 40, faisant perdre une grande partie de son intérêt à la controverse doctrinale relative à la disparition ou non de la masse en droit positif . Les créanciers postérieurs bénéficiaient en effet du droit d'être payés à l'échéance stipulée dans leur contrat, et à défaut leur était reconnue une priorité générale d'une grande portée, bien qu'atténuée en cas de liquidation judiciaire. Ainsi le législateur avait fait le pari risqué de séduire les nouveaux créanciers en sacrifiant les anciens, pari perdu qui a suscité la réticence compréhensible des fournisseurs de crédit, portant ainsi préjudice aux entreprises qui en avaient le plus besoin.
D'où l'intervention de la loi du 10 juin 1994 qui a tenté de rétablir la situation des créanciers antérieurs en restaurant, en liquidation judiciaire, les droits d'une partie de ceux qui étaient titulaires de sûretés.
Néanmoins des imperfections demeuraient dans le système, la plus criante tenant au volume très important des créances postérieures, dû au fait que la date de naissance de la créance se révélait être le seul critère d'attribution du traitement de faveur. Cela a donné lieu à une jurisprudence très abondante et quelque peu confuse, relative à la question de la date de naissance des créances, et à des dérives dénoncées par une partie de la doctrine tenant au fait que des créances qui étaient totalement étrangères à l'objectif premier de l'octroi de la priorité (faciliter le crédit nécessaire au redressement de l'entreprise) s'en voyaient reconnaître le bénéfice .
C'est à ces dysfonctionnements que la loi du 26 juillet 2005 a tenté de mettre un terme. Si le nouveau régime s'est clairement affiché en faveur d'une priorité totale accordée au redressement et au « sauvetage » des entreprises en difficultés, par opposition aux procédures anglo-saxonnes d'insolvabilité qui font la part belle aux créanciers, celui-ci n'en a pas moins accordé aux partenaires économiques incontournables de l'entreprise un traitement de faveur qui, s'il est de nature à les inciter à contracter avec le débiteur, a vocation à préserver un équilibre entre les différents créanciers puisqu'il ne bénéficiera qu'aux « méritants » .
Ainsi il apparaît que la loi de Sauvegarde des entreprises, si elle a remanié le domaine des créances postérieures dans le sens d'une restriction de son champ d'application (chapitre n°1), a moins innové en matière de régime du traitement de ces créances (chapitre n°2).
[...] Aussi, ne peut-on plus parler stricto sensu des créanciers postérieurs mais des créanciers postérieurs méritants et les autres. La distinction entre créance antérieure et créance postérieure étant établie, il convient de déterminer la date limite de naissance des créances postérieures éligible au traitement préférentiel. La date limite de naissance des créances postérieures Pour bénéficier du régime de faveur, la créance doit naître après le jugement d'ouverture et pendant le déroulement de la procédure collective. Les articles L. 622-17 et L. [...]
[...] Section 1 La survivance des anciens critères Pour aller dans le sillage des réformes antérieurement amorcées et en vue d'encourager les partenaires de l'entreprise à lui demeurer fidèle malgré les difficultés, la loi du 26 juillet 2005 de Sauvegarde des entreprises a repris le principe d'une priorité des créances postérieures. Ce régime se trouve désormais ventilé en deux textes : l'article L. 622-17 du Code de commerce, applicable à la sauvegarde et au redressement judiciaire, et l'article L. 641-13 dudit code (largement décalqué sur l'article L. [...]
[...] Dès lors si le contrat n'est pas continué après le jugement d'ouverture, la créance sera nécessairement une créance antérieure. Identiquement, en matière de bail, le fait générateur du loyer est la jouissance par le locataire du bien loué. De façon générale, les prestations exécutées après jugement d'ouverture de contrats à exécution successive bénéficieront de la qualification de créances postérieures. Si l'origine de la créance du préteur qui fait précéder son contrat d'une offre préalable réside dans l'acceptation de l'offre, la créance de remboursement du prêt, bien qu'ayant son origine dans l'acceptation du contrat de prêt, naîtra plutôt du versement des fonds[12]. [...]
[...] Les créances personnelles au débiteur ou indépendantes du déroulement de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaire ne bénéficie pas de la garantie. C'est donc le lien entre l'utilité de ces créances et la procédure au sens large qui justifie le traitement privilégié, dépassant le clivage traditionnel entre créances contractuelles et créances extracontractuelles. Dans certains cas, la recherche de l'utilité sera évidente, ce sera par exemple le cas pour les frais de justice, les honoraires divers, et les frais résultant de l'exécution des contrats en cours si ces créances sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure et de la période d‘observation. [...]
[...] - La créance postérieure de la liquidation judiciaire est portée à la connaissance du liquidateur dans les six mois du jugement prononçant la liquidation. Néanmoins si un plan de cession est arrêté en liquidation judiciaire, le liquidateur pourra être informé de l'existence de la créance dans l'année suivant l'arrêté du plan. Il faut en outre ici bien distinguer cette obligation d'information qui pèse sur les créancier postérieur méritants, qui n'est que résiduelle puisqu'elle n'aura vocation à jouer que si la créance n'a pas été payée à l'échéance, de l'obligation de déclaration à charge des créanciers antérieurs et des créanciers postérieurs dont la créance n'est pas éligible au traitement préférentiel, qui conditionne l'opposabilité de la créance à la procédure. [...]
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