Clauses de mobilité, contrat de travail, flexibilité, refus du salarié, control judiciaire, intérêt de entreprise, droit du travail
Au XVIIIe siècle, l'économiste anglais Adam Smith remarquait que "Rien n'est plus difficile à déplacer que l'Homme". De nos jours, cette constatation se vérifie toujours. En effet, les Hommes sont attachés à leurs origines et à leur région qui constitue une partie de leur identité. Ils recherchent une certaine stabilité et craignent un déracinement, des difficultés familiales et la perte des relations amicales.
Au niveau professionnel, ils sont également effrayés à l'idée de remettre en cause leur savoir-faire et leurs connaissances pour changer de métier. L'image d'Epinal de l'employeur "bon père de famille" assurant à ses salariés puis à leurs enfants un emploi à vie est dépassé. Le Taylorisme, modèle économique du début du XXe fondé sur une forte stabilité interne à l'entreprise et par le maintien tout au long de sa carrière de la même profession, était adapté pour les ouvriers sur les chaînes de production ou pour les mineurs. Il n'est plus d'actualité.
À l'heure de la mondialisation, les entreprises recherchent des salariés polyvalents professionnellement, capables de s'adapter aux différents marchés, aux nouvelles technologies et ainsi accroître la productivité de chacun d'entre eux. Le bon élément se doit d'être flexible et de faire évoluer sa carrière selon les besoins de l'entreprise. De même, et malgré le développement du télétravail, il doit pouvoir se déplacer d'un établissement à l'autre pour les entreprises établies sur plusieurs sites, d'une filiale étrangère à l'autre pour les groupes internationaux. Il doit être
mobile.
La mobilité professionnelle, se définit comme le changement d'affectation et de tâche du salarié. Incluant souvent une mobilité géographique, il s'agit de la condition première d'une bonne gestion prévisionnelle des emplois comme l'énonçait déjà en 1988 l'accord Framatome sur la gestion de l'emploi.
Le régime appliqué aux modifications du contrat de travail et aux changements des conditions de travail est connu. Depuis le célèbre arrêt “ Raquin ”5, les juges ont souligné avec vigueur que toute modification d'un élément essentiel du contrat de travail devait recevoir l'accord du salarié pour être réalisable. À partir de 19966, la Chambre sociale de la Cour de cassation a établi une distinction claire sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, 1er alinéa, qui énonce : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
Lorsque le changement est opéré dans la sphère contractuelle, la loi des parties s'applique et l'employeur ne peut imposer unilatéralement des modifications au contrat de travail. Dans le cas contraire, le changement sera dicté par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction. Or, le lieu de travail et les fonctions attribuées au salarié appartiennent au “ socle contractuel ” selon les termes du Doyen WAQUET7. C'est pourquoi, tout changement du lieu de travail ou d'affectation nécessite l'accord du salarié pour pouvoir être effectif.
Les clauses de mobilité offrent à l'employeur l'occasion d'éviter la possibilité d'un refus par le salarié d'un élément essentiel du contrat. L'accord du salarié ayant été donné à l'avance, l'employeur pourra procéder à la modification unilatéralement. Le refus du salarié sera d'ailleurs assimilé à un manquement de ses obligations contractuelles que l'employeur sera susceptible de sanctionner.
L'employeur consciencieux envisagera l'insertion de clauses de mobilité, dont l'acceptation par le salarié lui permettra de se placer sur le terrain de l'exécution du contrat et non de sa modification au nom du principe d'autonomie de la volonté des parties. L'application des règles contractuelles de droit commun permet de préparer un avenir plus serein pour l'employeur tout en provoquant une instabilité des conditions de travail du salarié.
[...] Comme l'observe Paul-Henri ANTONMATTEI105, il est clair que la Haute juridiction ne partage pas cette opinion puisque dès le 28 février 2001, sans prohiber les clauses de mobilité, elle a estimé que le refus délibéré et injustifié d'un salarié d'accepter un déplacement décidé par l'employeur en application d'une clause de mobilité caractérisait une faute grave106. Un contrôle en amont des clauses permet la sanction de celles offrant une liberté patronale trop grande. De même, en ce qui concerne les clauses de mobilité professionnelle, la clause se doit d'être assez précise pour prévoir à la fois ce changement de tâche et de qualification Chr. RADE, "Haro sur le contrat", Dr. [...]
[...] DAUGAREILH, Le contrat de travail à l'épreuve des mobilités Dr. social février 1996, p Cass. soc décembre 2000, Sem. soc. Lamy n°1009 du 2 janvier qualification relève du pouvoir souverain des juges du fond16. Les magistrats de la Haute juridiction ont récemment décidé que la clause manuscrite d'affectation n'est pas incompatible avec une clause dactylographiée qui prévoyait la possibilité de missions temporaires en dehors du lieu de travail habituel17. Les clauses étant claires et précises, elles se suffisaient à elles-mêmes. [...]
[...] La clause de mobilité peut aussi être mise en oeuvre dans l'hypothèse particulière d'une salariée qui reprend le travail après un congé maternité. En effet, à l'issue de celui-ci, la salariée doit être réintégrée à son poste antérieur ou à un poste équivalent si celui-ci n'est plus disponible. Elle ne peut alors faire l'objet d'un changement d'affectation qu'avec son accord 37. Ce principe est battu en brèche par l'insertion d'une clause de mobilité. La salariée ne peut alors refuser de rejoindre sa nouvelle affectation car elle a déjà donné son accord au travers de la clause de mobilité38. [...]
[...] Les juges gardent aussi à l'esprit que le salarié est le contractant le plus faible du contrat de travail. A ce titre il mérite non seulement une protection spécifique mais aussi le respect de ces droits fondamentaux. Les juges ne s'intéressent plus uniquement à la seule relation de travail mais aussi aux effets des clauses de mobilité notamment sur la vie personnelle du salarié. On peut alors s'interroger pour savoir si ce contrôle ne serait pas une véritable remise en cause des clauses de mobilité afin d'instaurer un équilibre entre les parties au contrat (Section Section 1 : Les atteintes aux clauses de mobilité par le contrôle judiciaire des conditions de leur validité L'article L. [...]
[...] Par contre, les clauses de mobilité géographique sont parfois assorties de clauses de mobilité-résidence qui sont strictement contrôlées. La clause de résidence est la stipulation contractuelle par laquelle le salarié s'engage à être domicilié dans une région ou une ville particulière, proche de son lieu de travail afin d'être le plus disponible 39 possible. Ces clauses sont attentatoires à la liberté du libre choix de son domicile qui découle du respect de la vie privée. Selon l'article 107 du Code civil, l'obligation de résidence ne s'applique qu'aux fonctionnaires publics inamovibles. [...]
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