Longtemps ignoré et demeuré sujet tabou, le harcèlement en entreprise est aujourd'hui au centre des débats.
Le mot harcèlement vient de l'anglais « harassment », terme lui-même issu du vieux français «harassement» utilisé pour la chasse. Dans cette acception, le harcèlement consiste à épuiser une proie par une pression constante, jusqu'à ce que le stress et la fatigue aient raison d'elle.
Le législateur français a été incité à adopter des mesures contre le harcèlement moral lors de l'adoption du décret du 4 février 2000 portant publication de la Charte sociale européenne de 1996 par laquelle la France s'était engagée à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière d'actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements.
Le contexte européen a joué un rôle de catalyseur. En effet, selon les termes de l'article 18 de la directive du 27 novembre 2000, le harcèlement moral devait être défini dans le cadre des législations et des pratiques nationales avant le 2 décembre 2003.
L'inscription du harcèlement moral dans la loi s'est déroulée dans un contexte juridique et émotionnel sensible puisqu'au tournant de l'année 2000, trois jugements très médiatisés, relatifs à de douloureuses histoires de suicide ou tentative de suicide suite à des problèmes relationnels sur le lieu de travail, ont bouleversé l'opinion publique. Certains juristes avaient affirmé à cette occasion qu'un « vide juridique » existait au sujet du harcèlement moral sur le lieu de travail.
L'opportunité de légiférer en la matière a suscité des polémiques. Une partie de la doctrine estimait qu'il était inutile de créer une nouvelle infraction, dans la mesure où le salarié victime de harcèlement moral disposait d'un certain nombre d'outils juridiques permettant de le faire sanctionner.
Mais les salariés éprouvaient néanmoins des difficultés à établir l'existence d'un comportement blâmable ou vexatoire, compte tenu d'une part de l'absence de définition précise recouvrant la notion de harcèlement moral, et d'autre part des règles de preuve résultant de l'application du droit commun.
A l'inverse, les partisans d'une intervention législative soutenaient que si l'absence de qualification juridique du harcèlement moral n'avait certes pas empêché les tribunaux de s'appuyer sur des sources du droit existantes afin de sanctionner la pratique des procédés humiliants et vexatoires, les textes jusqu'alors utilisés par les tribunaux s'étaient révélés insuffisants pour combattre efficacement les pratiques de harcèlement. Un arsenal juridique existait mais il était incomplet et de nouvelles dispositions apporteraient des précisions utiles.
Au final, c'est la volonté de renforcer la « visibilité » du harcèlement moral qui l'a emporté et suscité l'intervention du législateur. Le Gouvernement et le Parlement estimaient que, en raison de la gravité et de la fréquence des atteintes portées à la dignité des salariés, il était nécessaire de prohiber expressément dans un texte de loi le harcèlement moral, d'organiser la prévention contre cette pratique et de préciser les sanctions tant civiles que pénales, susceptibles d'être prononcées.
La loi de modernisation sociale est entrée en vigueur le 20 janvier 2002 et ne possède aucun effet rétroactif, comme l'a rappelé la Cour Administrative d'Appel de Versailles le 17 mars 2005.
Le dispositif législatif mis en place poursuit deux objectifs :
• la prévention du harcèlement moral au travail avec un accent mis sur la procédure de
médiation.
• la sanction des comportements de harcèlement au regard du droit du travail mais
également du droit pénal.
L'innovation est de taille en ce qu'elle traduit principalement une évolution des mentalités dans la société vers une prise en considération et une protection accrue du salarié en tant qu'être moral et sensible, digne d'une protection juridique.
Le Code du travail connaît désormais deux types de harcèlement ; le harcèlement sexuel, bien connu et depuis peu lourdement sanctionné par le Code pénal, et le harcèlement moral, plus délicat à cerner. Le harcèlement sexuel est parfois un moyen utilisé dans des pratiques de harcèlement moral.
Dans la mesure où le harcèlement moral est un sujet complexe et délicat, la question de sa définition, se pose comme un préalable indispensable à toute recherche de solution. Ainsi, le système de prévention prévu par le législateur, pourra être utilisé efficacement (Partie 1). Toutes les propositions de prévention instaurées par la loi paraissent à même de désamorcer un certain nombre de conflits capables de donner naissance à un harcèlement moral, cependant elles ne parviendront sans doute pas toujours à les supprimer tous. Dans cette hypothèse, l'action en justice est une solution pour faire cesser la situation de harcèlement moral et ainsi lutter contre ses conséquences (Partie 2).
[...] 122-49 du même code est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement( ) Le texte d'incrimination du harcèlement moral peut faire l'objet de critiques. Tout d'abord, il ne répond pas aux attentes des spécialistes qui auraient voulu voir le harcèlement étroitement défini pour éviter un usage intempestif de cette notion. De plus, il faut noter que ce texte n'est pas conforme aux exigences du droit pénal. En effet, le principe légaliste impose au législateur de rédiger des lois claires et précises afin d'éviter l'arbitraire et l'insécurité juridique. [...]
[...] Le harcèlement moral peut détruire une personne autant sur le plan social que psychologique puisque celle-ci va peut-être passer par des phases d'isolement, de dépression, de troubles du sommeil, de stress, de douleurs musculaires Bien entendu, il ne faut pas voir des harcelés partout et comprendre que la nécessité de compétition des entreprises avec des objectifs de plus en plus exigeants laisse parfois sur le bord du chemin des employés qui ne sont pas des harcelés. Mais malgré l'arsenal législatif, nombreux sont les employés harcelés qui passent inaperçus. Seule la solidarité au sein de l'entreprise pourra venir à bout de ce phénomène. L'intervention du législateur doit être interprétée comme la levée d'une loi du silence et surtout comme la reconnaissance de la souffrance des victimes, indispensable à leur guérison. La loi de modernisation sociale a étroitement lié le harcèlement et la discrimination. [...]
[...] Les médecins du travail ne doivent donc pas viser expressément le harcèlement dans les avis d'inaptitude qu'ils établissent, car le harcèlement qui correspond à un concept juridique ne figure pas dans la nomenclature médicale. Cependant, les termes employés par les médecins du travail peuvent parfois permettre de déduire l'existence d'un harcèlement. Cela peut être le cas lorsque le médecin du travail constate l'inaptitude du salarié à l'issue de la première visite de reprise sans procéder à un second examen, considérant que le maintien du salarié à son poste de travail entraînerait pour celui- ci un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité. [...]
[...] Le harcèlement sexuel est parfois un moyen utilisé dans des pratiques de harcèlement moral. Dans la mesure où le harcèlement moral est un sujet complexe et délicat, la question de sa définition, se pose comme un préalable indispensable à toute recherche de solution. Ainsi, le système de prévention prévu par le législateur, pourra être utilisé efficacement (Partie 1). Toutes les propositions de prévention instaurées par la loi paraissent à même de désamorcer un certain nombre de conflits capables de donner naissance à un harcèlement moral, cependant elles ne parviendront sans doute pas toujours à les supprimer tous. [...]
[...] Toute situation déstabilisante pour le salarié ne constitue pas nécessairement un harcèlement moral. Dans cette espèce, une salariée déclarée inapte par le médecin du travail affirmait avoir fait l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral et faisait citer directement le président du conseil d'administration de sa société devant le Tribunal de grande instance de Paris pour y répondre des faits qualifiés de harcèlement moral : dégradation des conditions de travail pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui Le déménagement du bureau de l'intéressée avait été mal ressenti. [...]
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