La remise en cause des avantages acquis est un paradoxe en soi. L'acquis est ce que l'on a obtenu, ce dont on est devenu propriétaire. En droit, cela renvoie à la notion d'usus et d'abusus, c'est-à-dire au droit d'user de et d'aliéner la chose que l'on possède. Cela signifie aussi que personne ne peut ôter… ou remettre en cause les droits dont une personne dispose sur une telle chose.
Pourtant, les avantages acquis du salarié peuvent bel et bien être remis en cause, de par le droit et la pratique. Il est possible de mettre en cause l'existence ou les modalités des avantages dont profitent les salariés, dont ils ne sont pas « propriétaires » au strict sens du terme. Un « avantage » n'est d'ailleurs pas réellement une chose en soi : c'est un élément de profit, de bien-être, d'utilité, créateur d'une « situation préférentielle ». C'est un terme qui peut être appliqué à toute chose, pour peu qu'elle soit préférable à une autre. Cela nous ramène au cœur de la notion d'avantage acquis : la subjectivité.
Ce qui fait qu'une chose est avantageuse, c'est son rapport à une autre chose ; c'est le résultat de la comparaison entre les deux qui confère le terme d'« avantage ». Or, cette comparaison est elle-même fonction du regard de celui qui l'opère. L'un peut considérer comme un avantage ce qui ne l'est pas pour un autre : par exemple, le passage de la durée légale hebdomadaire du travail de 39 à 35 heures a été vécue par certains comme un avantage, par d'autres comme un inconvénient. La notion d'acquis est, de la même façon, très subjective. Certes, la loi ne confère pas de droits de propriété aux salariés sur les avantages dont ils bénéficient. Pour autant, leur ressenti est qu'eux seuls peuvent décider de profiter ou de renoncer à ces avantages. En d'autres termes, ils ont l'abusus sur ces droits. Or, dans l'entreprise, la réalité est autre : l'employeur dispose – sous certaines conditions – du pouvoir de retirer aux salariés les avantages dont ils bénéficient. Qu'il soit issu de conventions, d'accords négociés avec les salariés, ou de l'engagement de l'employeur, tout avantage est susceptible d'être remis en cause, sous réserve du respect des conditions et procédures imposées par la loi.
L'on sent bien, à travers ces remarques préliminaires, toute la difficulté de remettre en cause des avantages acquis par les salariés. Si la loi en donne le pouvoir à l'employeur, ce pouvoir n'est cependant pas ressenti comme légitime par les salariés : une fois octroyé, un avantage ne se reprend pas. Or, c'est pourtant bien ce qui se passe dans les entreprises, et de plus en plus fréquemment sous la pression accrue du marché. Les avantages concédés aux salariés lors d'une époque plus faste sont remis en cause, amoindris, voire supprimés.
Nous évoquons ici la remise en cause des avantages acquis à l'initiative de l'employeur. Dans certains cas, les salariés – via les organisations syndicales – disposent du pouvoir de remise en cause, notamment des conventions et accords collectifs. De façon générale, la pratique présente cependant peu d'exemples de dénonciation unilatérale de conventions ou accords collectifs par les syndicats. Il s'agit en général de cas de désaccords entre les différentes organisations syndicales, qui ne mettent pas directement en cause l'employeur et donc les relations entre direction et partenaires sociaux au sein de l'entreprise. C'est le cas par exemple de l'opposition syndicale aux accords d'intéressement conclus avec la direction de la SNCF les 30 septembre 2005 et 26 juin 2006. Par ailleurs, le fait pour les organisations syndicales de prendre l'initiative de la remise en cause présuppose que la source dénoncée n'est pas considérée comme strictement plus favorable que le statut antérieur, et qu'elle ne constitue donc pas un avantage à leurs yeux.
Les enjeux de la remise en cause des avantages acquis pour les ressources humaines se concentrent au niveau de l'entreprise. C'est en effet là que se situe leur champ d'action. Pour cette raison, nous n'envisagerons pas les cas où les avantages acquis sont remis en cause à un autre niveau que celui de l'entreprise, notamment aux niveaux national, professionnel ou de la branche. Le terme d'entreprise est cependant à prendre au sens large, car l'étude que nous proposons peut s'appliquer de façon similaire à l'établissement, voire au groupe. Pour plus de simplicité nous continuerons d'utiliser le terme d'« entreprise ».
[...] Par ailleurs, la renégociation d'un accord collectif par les parties a pour effet de remplacer les dispositions conventionnelles anciennement applicables par celles nouvellement négociées. Tout l'enjeu se situe donc dans la négociation à laquelle sont conviés les partenaires sociaux. Il est clair que la direction ne peut pas se passer d'un accord pour mettre en œuvre sa politique sociale. Nous verrons donc comment elle peut conduire la négociation avec les organisations syndicales de manière à parvenir à un accord, puis de quelle façon cet accord peut être conclu et pérennisé. [...]
[...] trav., lequel dispose : Lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au troisième alinéa ci-dessus, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ces délais [132] Cf. Cass. soc mars 2001, 99- Bull. civ. 90. [133] Décision rendue sur le visa de l'article L 132-8 C. trav. : Cass. soc novembre 1991, 87- Bull. [...]
[...] La direction peut alors proposer, en parallèle, que les salariés soient davantage impliqués dans la définition des critères et modalités de ces dispositifs. Cela garantit l'équité de ces mesures. Si la direction souhaite insérer dans les contrats de travail des nouveaux salariés embauchés une clause de garantie d'emploi, afin de les fidéliser, elle peut mettre en avant le fait que cette garantie exclut aussi tout licenciement du salarié au cours d'une période déterminée. Il s'agit, pour chaque proposition de la direction aux organisations syndicales, de prévenir leurs critiques et d'en démontrer les aspects positifs. [...]
[...] Par ailleurs, le transfert des contrats de travail au nouvel employeur est, à l'origine, une mesure protectrice du salarié dont l'emploi n'est pas affecté par les restructurations subies par l'entreprise. La continuité de l'emploi du salarié suppose que le transfert de son contrat de travail ait le moins possible d'incidence sur son statut. C'est pourquoi le législateur a prévu que les salariés soient transférés avec la quasi-totalité de leur statut individuel et collectif, à charge pour le nouvel employeur de remettre en cause ce statut, lorsque cela est possible. [...]
[...] De même, la signature de l'accord ne signe pas la fin des relations avec les organisations syndicales. Celles-ci signataires ou non ont légitimité à demander des comptes à l'employeur sur la mise en place du compromis. Mieux vaut pour le chef d'entreprise prendre les devants et les informer régulièrement des avancées faites. Il est de plus en plus fréquent que les accords contiennent des clauses concernant le suivi de leur mise en œuvre. Cela passe en général par la création de bureaux ou commissions de suivi, dans lesquels siègent uniquement les organisations syndicales signataires. [...]
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