Parce que le marché du travail ne saurait exister en dehors du droit qui l'institue, il est nécessaire que soit prévu un dispositif permettant le respect des règles ainsi posées. C'est pourquoi, afin d'assurer la protection de l'emploi salarié, ce marché de l'emploi se caractérise par un certain nombre d'interdictions pénalement sanctionnées.
La forme la plus avérée d'atteinte à l'emploi salarié est dénommée travail illégal, terme qui recouvre plusieurs comportements infractionnels lesquels entraînent un coût humain et économique qui pénalise la collectivité nationale tout entière. Ainsi en 1997 le manque à gagner des organismes publics, du fait du travail illégal, a été estimé à 61 milliards de francs, soit 1% du PIB. A cette période près de 19.000 infractions ont été constatées sur un an, dont le quart concernait le secteur du bâtiment sous toutes ses formes. La tendance perdure puisque le Plan de lutte contre le travail illégal, lancé en juin 2004 par le ministre de la cohésion sociale, M. Borloo, désigne quatre secteurs privilégiés dans cette lutte : le spectacle vivant et enregistré, le bâtiment et les travaux publics, l'agriculture et les cafés, hôtels et restaurants. On comprendra alors sans peine que le travail illégal ait fait l'objet d'une répression qui n'a cessé de se durcir au fil des années.
Si à l'origine l'interdiction du travail dissimulé était conçue comme le complément nécessaire à la législation sur les congés payés, parce qu'on voulait empêcher les salariés d'exercer une activité pendant la période de repos légal, aujourd'hui le fondement de l'interdiction s'est modifié. Si de nombreux arguments sont avancés pour prohiber un tel travail, le coût économique en tête ainsi que nous l'avons vu, mais également les inégalités sociales et fiscales ; d'autres sont invoqués afin, sinon de le défendre, du moins de l'expliquer. Il s'agit principalement du poids démesuré des cotisations fiscales et sociales, de la souplesse indispensable à l'exercice de certaines activités, de l'inadaptation des structures commerciales et juridiques au regard de l'évolution des marchés… Et même la nécessité de protéger la liberté du commerce et de l'industrie, voire le respect imposé par le courage et l'ardeur au travail, pour ne pas dire la débrouillardise du travailleur dissimulé.
Face à ces arguments, de valeur inégale, le droit français apporté diverses réponses, plus ou moins bien structurées.
C'est en 1972 que le législateur, après avoir posé dans le Code du travail l'interdiction du travail clandestin, définira l'infraction pénale qui s'y attache. Mais cette loi présentait l'inconvénient d'instituer un délit à l'élément matériel multiple, qui empêchait de sanctionner une partie des comportements contraires à l'emploi. En effet, pour être sanctionné, l'auteur devait s'être soustrait à la fois à l'obligation d'inscription aux registres professionnels ET à ses obligations fiscales et sociales ; en outre si l'exercice de l'activité en cause avait un caractère occasionnel, son auteur se trouvait à l'abri de toute poursuite.
D'où une réforme en 1987, par la loi du 27 janvier, faisant entrer dans le champ d'application du délit les travaux occasionnels, mais également la dissimulation de l'emploi d'un salarié.
Mais ces différents dispositifs législatifs, par l'emploi du vocable « clandestin » pour qualifier le travail sanctionné, présentaient le double inconvénient d'induire une confusion avec la notion d'immigration clandestine, mais également de présenter le salarié « clandestin » comme ayant une part de responsabilité dans le comportement délictueux de son employeur.
C'est pourquoi la loi du 11 mars 1997 prit le parti de remplacer cet adjectif par celui de « dissimulé », ce qui permet de rappeler que le salarié qui est « dissimulé » par son employeur ne commet aucune infraction, mais en est même une victime qui a droit à réparation, et que les étrangers en situation irrégulière ne représentaient cette année-là que 10% des travailleurs dissimulés. Le texte créa également un dispositif de coordination national, la Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI), ainsi qu'une structure opérationnelle dans chaque département, les Comités opérationnels de lutte contre le travail illégal (COLTI). Si l'option prise par les pouvoirs publics se situe clairement dans le droit fil d'une aggravation de la répression, toujours d'actualité puisque la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité financière a alourdi les sanctions pénales et les pouvoirs en la matière des inspecteurs du travail, la mise ne place de ces structures démontre bien que la lutte contre le travail dissimulé ne peut se contenter d'un seul arsenal répressif, et qu'elle passe par la mise en place d'un système économique et juridique d'ensemble.
C'est pour cela que l'étude des composantes multiples du travail dissimulé (Partie I) permet de mieux comprendre la mise en œuvre de la lutte contre le travail dissimulé, laquelle passe par sa répression organisée (Partie II).
[...] trav. relatif au contrat d'accompagnement dans l'emploi et L. 322-4-8 c. trav. relatif au contrat initiative-emploi, -Art.L. 322-4-10 c. trav. relatif au contrat d'avenir, -Art. L. 322-4-15 c. trav. [...]
[...] Cass. Crim juin 2004, pourvoi 03- Cass. Crim mars 2002, RJS 6/02, n°307. Cass. Crim juin 2003, JCP E note J-H. Robert : la formule ne se retrouve pas expressément, mais la simple requalification des contrats suffit à caractériser le travail dissimulé. Cass. Soc mars 2001, D jurisprudence, p note C. Puigelier. C. trav. [...]
[...] Selon le nouvel article L. 114-15 du Code de la sécurité sociale, lorsqu'il apparaît au cours d'un contrôle qu'il a intentionnellement accepté de travailler sans que ne lui soit remis de bulletin de paie (article L. 143-3 C. trav.), et sans que la déclaration préalable à l'embauche n'ait été faite par l'employeur (article L. 320), les agents de contrôle doivent en informer les organismes de sécurité sociales et l'ASSEDIC, afin que les institutions concernées mettent en œuvre les sanctions légalement prévues.(V. [...]
[...] 143-3 et L du Code du travail ne sont pas observées. Il convient tout de suite de remarquer qu'à la différence de l'alinéa précédent relatif au travail dissimulé par dissimulation d'activité, celui-ci vise tout employeur ce qui permet désormais d'appréhender non seulement les employeurs privés, mais également les associations à buts non lucratifs. La première de ces formalités concerne la remise au salarié d'un bulletin de paie, mais l'infraction pourra également être constituée si l'employeur ne satisfait pas à son obligation de conserver les doubles des bulletins de salaires pendant cinq ans[33]. [...]
[...] En outre, la loi prévoie aussi un régime des sanctions administratives en cas d'emploi d'un étranger sans titre de travail Le refus des aides publiques Lorsque l'autorité compétente a connaissance d'un procès-verbal relevant du délit de travail dissimulé, elle peut[90], refuser d'accorder, pendant une durée maximale de 5 ans, les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle à la personne physique ou morale ayant fait l'objet de cette verbalisation[91]. La mesure est étendue par la loi du 02 août 2005 à toutes les infractions de travail illégal. Cette décision de refus n'exclue pas, par ailleurs, l'engagement de poursuites judiciaires pouvant conduire au prononcé de sanctions pénales. L'autorité compétente peut ainsi refuser les aides publiques attachées aux dispositifs prévus par différentes dispositions du code du travail, code général des collectivités territoriales loi du 09 août 2004[92]. [...]
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