Les contours de la notion de branche complète et autonome d'activité sont d'autant plus imprécis que, du fait de son caractère stratégique, son contenu donne lieu en permanence à diverses précisions administratives et jurisprudentielles en sus des définitions successives dont il fait l'objet ; les précisions administratives qui se sont succédées au fil des instructions se sont avérées être une arme à double tranchant car, tout en contribuant à mieux cerner ladite notion ( dont la qualification relève de l'appréciation des faits) elles se sont traduites par un raidissement des conditions et des critères d'éligibilité des apports de branches au régime de faveur .
Par ailleurs, et pour clore ce tour d'horizon des diverses difficultés auxquelles est confrontée la notion de branche complète et autonome d'activité, on signalera que l'administration fiscale, s'arc-boutant sur la clause anti-abus de la directive communautaire , a introduit une panoplie de sévères dispositions en guise d'encadrement de l'octroi du régime de faveur. Ces dispositions se sont avérées, en définitive, disproportionnées par rapport à l'objet de la clause et se sont traduites concrètement par une imparfaite transposition de la directive communautaire dans le droit interne français .
Ceci s'est, bien évidemment, répercuté sur la notion de branche complète et autonome d'activité en ce sens qu'en introduisant des dispositions et mesures quelque peu exagérées, pour l'appréciation des contours de ladite notion, l'administration n'a fait que créer et élargir une regrettable dichotomie entre la notion de branche complète d'activité telle que perçue par la directive et jurisprudence communautaires et celle qui rejailli à travers la doctrine administrative interne.
Des lors, la notion de branche d'activité demeure en quête d'une uniformisation de son identité interne et d'une adaptation de ses contours vis à vis de la vision communautaire.
Bien que ces diverses difficultés posent des problèmes quant à la transposition concrète du régime de faveur des fusions aux opérations d'apport partiel d'actif et de scission, elles architecturent, tout de même, toute une panoplie de savoureuses problématiques qui font toute l'originalité de la mystérieuse « notion masquée » qu'est la branche complète et autonome d'activité.
Cette originalité est d'autant plus accrue que la branche complète d'activité, tout en étant une notion essentiellement fiscale, se rattache à des racines purement civiles. En effet, transposée dans le cadre du droit civil, la notion de branche complète d'activité présente les caractéristiques d'une universalité de biens, mais une universalité partielle et non pas totale. C'est ainsi que le transfert d'une branche complète d'activité sera analysé, sur le plan civil, comme une transmission à titre universel de patrimoine.
La transposition de la notion de branche complète d'activité dans le cadre du droit civil, loin de se limiter à un simple exercice de pure sémantique, se traduit en pratique par des incidences fiscales non négligeables. Effectivement, en vertu d'une instruction administrative du 22 février 1990 transposant la sixième directive communautaire en droit interne, la transmission d'universalités totales ou partielles de biens bénéficie d'une dispense de taxation en matière de TVA.
D'où la pertinence de l'enjeu fiscal de la notion de branche complète d'activité aussi bien à l'égard des impôts directs que des impôts indirects.
Par ailleurs, n'oublions pas de signaler que l'enjeu de la notion de branche complète d'activité est appelée à s'étendre sur l'intégralité du domaine des restructurations d'entreprises et ne se limite pas, à ce titre, aux opérations intéressant uniquement les structures sociétaires.
En effet, l'entreprise individuelle, bien que n'ayant pas de personnalité juridique et encore moins fiscale, est une réalité économique qui est appelée à s'adapter constamment à l'environnement dans lequel elle évolue et prospère. Il aurait été malheureux de ne pas lui réserver un régime de faveur qu'elle pourra mettre en œuvre à l'occasion des restructurations qu'elle est amenée à connaître.
L'article 12 de la loi de finance pour 1981 (n° 80-1094) du 30 décembre 1980 a, ainsi, institué un mécanisme inspiré, pour partie, du régime des fusions défini à l'article 210 A du CGI et qui permet d'éviter l'imposition immédiate des plus-values constatées du fait de l'apport en société des éléments de l'actif affectés à une activité professionnelle exercée à titre individuel.
Des lors, si l'entrepreneur individuel transmet la globalité de l'actif immobilisé de son entreprise il bénéficiera d'un régime de faveur qui n'a rien à envier à celui des fusions.
Aussi, s'il ne transmet qu'une partie de son entreprise par voie d'apport, il pourra bénéficier du même régime de faveur à condition que la partie transférée présente les caractéristiques d'une branche complète d'activité ou, en d'autres termes, d'une « sous-entreprise ».
L'étude de la notion de branche complète d'activité nous conduira, ainsi, dans un premier temps à nous lancer dans l'incertaine aventure d'identification et de délimitation des contours de la notion de branche complète et autonome d'activité. Nous entamerons par la suite, l'analyse du caractère stratégique de ladite notion qui, tout en étant confronté à de sérieuses difficultés de mise en œuvre, demeure un élément-clé dans l'impressionnant domaine de la gestion et de l'optimisation fiscale.
C'est ainsi donc que la présente étude sera subdivisée en deux parties, comme suit ;
[...] Option finance 2002. n°715 p.29 P. Derouin Fiscalité des fusions de sociétés et échanges d'actions (droit communautaire et droit national). Droit fiscal 1997. n°38 p.1100 E. Kornprobst La notion de branche complète d'activité dans le droit communautaire. DF 1994, n°19 p.825 Tour d'horizon 2001. [...]
[...] Derouin & P. Ladreyt l'incomplète adaptation du régime fiscal des fusions de sociétés et d'opérations assimilées à la directive communautaire du 23 juillet 1990 DF 1992 5 p [118] Arrêt Leur-bloem. CJCE 17 juillet 1997. Affaire C 28/95 RJF 1997 n°10 com [119] P. Derouin Fiscalité des fusions de sociétés et échanges d'actions (droit communautaire et droit national). Droit fiscal 1997. n°38 p.1100 [120] D. [...]
[...] [132] On notera avec un grand étonnement le fait que la sixième directive utilise également la seule notion d'universalité de biens tout en évoquant le fait que le bénéficiaire continue la personne du cédant, ce qui suppose normalement une transmission d'un actif et d'un passif. [133] Y. GUYON. Droit des affaires. Tome I. 9ème édition. p.671 [134] Notons que pour l'administration fiscale, le fonds de commerce est l'ensemble des droits et valeurs au moyen desquelles s'exerce un négoce ou un industrie. [...]
[...] Aussi, l'administration fiscale précise t-elle que c'est bien la date de réalisation définitive de l'opération d'apport partiel d'actif qui est prise en compte pour le décompte du délai de trois ans. En deuxième lieu, le fait que la société apporteuse participe à une opération de fusion en qualité de société absorbée vaudra t-il rupture de l'engagement de conservation de titres ? Les opérations de fusion revêtent un caractère simplement intercalaire. L'engagement ne sera donc pas rompu du moment que la société absorbante est tenue de reprendre les obligations qui pèsent sur la société absorbée et donc de continuer d'exécuter l'engagement de conservation des titres pendant la période qui reste à courir. [...]
[...] Cet article n'évoque guère les opérations d'apport partiel d'actif. Des lors, en assimilant les apports de participations à des apports de branche complète d'activité le CGI permet de soumettre, indûment, les opérations d'apport partiel d'actif à la taxation susvisée, exposant par là lesdites opérations à un sérieux problème de double imposition totalement contraire à l'esprit et à la lettre, non seulement de la directive communautaire mais aussi à la jurisprudence de la CJCE[86]. Doit, donc, être abolie l'assimilation des apports de titres à des apports de branche d'activité et, par là, doit être supprimée l'obligation, en cas d'apport partiel d'actif, de calcul ultérieur des plus-values de cession afférente aux titres reçus en contrepartie de l'apport, par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures propres à la société apporteuse[87]. [...]
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