En janvier 2006, un rapport dirigé par Michel Pébereau et destiné au ministre de l'économie et des finances qui le lui avait commandé, s'inquiétait vivement du niveau d'endettement de la France et préconisait une réduction relativement rapide des déficits publics de façon à parvenir en quelques années à l'équilibre budgétaire. Ce rapport a suscité un large débat autour de cette question : jusqu'ou faut-il réduire les déficits publics ?
De tout temps, les gouvernements ont engagé des dépenses – de fonctionnement, d'investissement, de transferts sociaux – qu'il a bien fallu financer. Ils disposent pour cela de trois moyens : l'impôt, la création monétaire (ou emprunt à la banque centrale) et l'emprunt (auprès des agents privés ou d'autres États) et les privatisations. Lorsque les recettes, essentiellement l'impôt ou plus largement les prélèvements obligatoires, ne couvrent pas les dépenses publiques, c'est-à-dire lorsque le solde budgétaire est négatif, il y a déficit. Pour le calcul du déficit, on considère usuellement le solde global des administrations de l'État, des administrations locales et des administrations de Sécurité sociale. Pour financer ce déficit, les États ont recours aux deux autres ressources : l'emprunt à la banque centrale qui donne lieu à l'émission de monnaie (mais cela est interdit dans l'UE depuis 1993 par le traité de Maastricht), soit par emprunt auprès des agents privés ou d'autres États.
La pratique quasi systématique des déficits publics date du début des années 70 ; la tendance à long terme de l'alourdissement des dépenses publiques est très largement due à la hausse des dépenses de sécurité sociale, y compris dans les pays comme les États-Unis et le Japon, dans lesquelles elles représentent cependant une part moins importante du PIB qu'en Europe, ainsi qu'aux charges d'intérêt de la dette. Une brusque progression de la part des dépenses publiques dans le PIB s'observe au moment du premier choc pétrolier et du ralentissement de la croissance qui s'en est suivi : le maintien de l'augmentation des dépenses dans un contexte économique où la progression des recettes ralentit est à l'origine du retour des déficits. En réponse et pour freiner l'accumulation de la dette, les gouvernements tentent dans un premier temps de stabiliser la part des dépenses dans le PIB. Mais à cette priorité s'en ajoute bientôt une autre : la baisse des prélèvements. À la logique traditionnelle, c'est-à-dire maîtriser les dépenses, réduire les déficits et pour finir baisser les impôts, s'en substitue une autre : baisser les impôts d'abord et arbitrer ensuite entre déficits et coupes dans les dépenses. À partir de la deuxième moitié des années 1990, un certain nombre de pays et notamment les États-Unis avec la combinaison d'une accélération de la croissance et d'un contrôle plus strict des dépenses, parviennent à résorber leur déficit public. D'autres, au contraire, profitent de situations conjoncturelles favorables (fin des années 80 et fin des années 90) pour réduire les impôts. Le creusement correspondant des déficits structurels est à l'origine des difficultés des années qui suivent.
Ces dernières années, un relatif consensus est apparu pour appeler à la réduction de la fiscalité, condamner la pratique des déficits budgétaires, et le niveau excessif de l'endettement public, pour réduire les dépenses de fonctionnement voire de transfert. Ce consensus repose sur des considérations budgétaires selon lesquelles l'État se prive des marges de manœuvre dont il a besoin, économiques selon lesquelles l'économie est pénalisée plutôt que favorisée par la pratique des déficits publics, ou encore morales selon lesquelles les générations actuelles n'ont pas à faire payer leurs dépenses présentes par les générations futures (soit l'équivalence ricardienne). Ainsi, dans les pays de la zone euro, le pacte de stabilité et de croissance impose une limitation des déficits publics à 3% du PIB avec pour perspective à moyen terme de parvenir à l'équilibre budgétaire. Mais ces pays ne maîtrisent pas la politique monétaire qui relève de la BCE et la politique budgétaire est donc le seul outil à la disposition des autorités nationales pour faire face au ralentissement de l'activité. D'où un regain d'intérêt pour les politiques de relance, et une remise en cause de l'objectif d'équilibre budgétaire fondée notamment sur la distinction entre dépenses d'investissement qui préparent l'avenir en accroissant le capital public et dont le coût peut légitimement être partagé avec les générations futures, et dépenses de fonctionnement. Selon Créel et Sterdyniak [2006], le niveau adéquat du déficit public envisagé dans une optique de maintien de l'égalité entre la dette publique et le capital public correspondrait à un déficit structurel égal à l'investissement public net, plus la dépréciation de l'endettement due à l'inflation, soit, en France en 2005, de l'ordre de 2 % du PIB. Ils en concluent qu'il est inutile de se donner un objectif d'annulation du déficit public. Un pays qui maintiendrait un déficit nul verrait sa dette tendre lentement vers zéro. Ceci requiert un effort prolongé alors que l'objectif de déficit nul n'a pas de fondement économique.
Une voix médiane semble se dessiner qui cherche à limiter les déficits publics pour conserver la maîtrise de la dette, sans rechercher un « déficit zéro » qui n'aurait guère de sens, afin de garder les moyens d'agir sur la conjoncture par la dépense publique.
Les déficits publics doivent être contenus (I), mais ils ne peuvent pas être exclus en toutes circonstances (II).
[...] Cette augmentation est d'autant plus forte que le solde primaire est négatif, car l'effet boule de neige est alors accéléré. À titre d'exemple, si en France le coût moyen de la dette avait été égal au taux de croissance du PIB de 1981 à 1998, le ratio d'endettement n'aurait pas dépassé 40% du PIB en 1999 soit 20 points de moins qu'en réalité. L'accumulation des déficits et la dette qui en découle pèsent de plus en plus fortement sur les marges de manœuvre budgétaire de l'État. [...]
[...] Le creusement correspondant des déficits structurels est à l'origine des difficultés des années qui suivent. Ces dernières années, un relatif consensus est apparu pour appeler à la réduction de la fiscalité, condamner la pratique des déficits budgétaires, et le niveau excessif de l'endettement public, pour réduire les dépenses de fonctionnement voire de transfert. Ce consensus repose sur des considérations budgétaires selon lesquelles l'État se prive des marges de manœuvre dont il a besoin, économiques selon lesquelles l'économie est pénalisée plutôt que favorisée par la pratique des déficits publics, ou encore morales selon lesquelles les générations actuelles n'ont pas à faire payer leurs dépenses présentes par les générations futures (soit l'équivalence ricardienne). [...]
[...] Poussant le raisonnement plus loin, il serait concevable, à l'instar des choix institutionnels faits en ce qui concerne la politique monétaire, de confier à un mandataire indépendant la responsabilité de fixer les normes annuelles à respecter en matière de soldes budgétaires tel le comité de politique budgétaire indépendant, proposé par Charles Wyplosz (2002) pour la zone euro. Pareille proposition n'a guère de chances d'être appliquée, alors que les États cherchent avant tout à retrouver une capacité d'intervention sur la conjoncture économique, y compris par les déficits publics. À la question : jusqu'où réduire les déficits publics ? [...]
[...] Emprunter ne fait que reporter les charges sur l'avenir. Cependant, l'État, contrairement aux ménages, a une durée de vie illimitée, de sorte que la dette n'a jamais besoin d'être intégralement remboursée. Plus exactement, la dette venant à échéance sera remboursée par de nouveaux emprunts, car il est raisonnable de penser que les générations futures seront prêtes leur tour à placer une partie de leur épargne dans les titres de la dette publique (équivalence ricardienne reprise par Barro). Dans les pays développés, les titres de la dette publique sont généralement très recherchés, car réputés très sûrs, et permettent aux États de se financer à des taux particulièrement intéressants. [...]
[...] Le niveau de la dette peut susciter des craintes dans leur capacité à assurer le service. Elle peut, indirectement, entraîner une fragilité du système financier qui détient la majorité de la dette. L'État peut certes toujours lever l'impôt pour faire face au service de la dette. Un ménage ou une entreprise font faillite parce que leurs revenus ne leur permettent pas de payer leurs dettes, mais un État peut augmenter ses revenus. Mais comme l'ont illustré les crises de l'Ancien Régime ou la faillite de l'Argentine en 2002, la banqueroute survient quand les citoyens refusent de réduire encore leurs revenus au profit des créanciers de l'État (la situation étant toutefois différente selon que les contribuables sont aussi en partie des créanciers de l'État, ou que les créances sur l'État appartiennent à des agents étrangers). [...]
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