S'il est évident que l'affiche ne permet pas de préjuger de la qualité d'un film, elle peut néanmoins susciter envie et désir dans l'esprit du public. L'affiche influence le spectateur, c'est indéniable. Dire cependant qu'elle attire le spectateur en salles semble quelque peu hâtif. Mais ce qui est sûr, c'est que si elle est ratée, elle le rebute.
C'est la raison pour laquelle les professionnels du milieu cinématographique y portent une attention toute particulière : l'affiche doit décrire, voire retranscrire, la ligne artistique d'un film.
Cette exigence est d'autant plus renforcée en France que la publicité télévisuelle pour les œuvres cinématographiques en cours d'exploitation-salle ou en passe de l'être est interdite. Le spectateur voit donc très peu de bandes annonces mais beaucoup d'affiches. La France est d'ailleurs l'un des seuls pays à mener une telle politique cinématographique. Par exemple aux Etats-Unis, la publicité des films via la télévision étant autorisée, l'affiche ne revêt qu'un rôle très relatif : elle traduira rarement une recherche d'esthétique puisque la majeure partie de la communication autour de l'œuvre passera par la publicité télévisuelle. L'affiche se résumera bien souvent à la photographie de tel ou tel comédien.
L'optique française est totalement différente. L'affiche doit véhiculer une certaine image du film et susciter la curiosité du spectateur.
Il faut toutefois souligner que le marketing autour d'un film ne s'arrête pas à l'affiche.
La promotion d'une œuvre cinématographique englobe bien d'autres éléments qui ont tous une importance considérable. On pense bien sûr à la bande annonce mais aussi aux séances de dédicace des acteurs, aux avants premières, aux interventions dans la presse…
Producteurs et distributeurs s'accordent pour dire que d'une manière générale, le succès d'un film dépend essentiellement de la médiatisation qui en est faite en amont (c'est-à-dire avant sa sortie-salle) et de la plus ou moins grande notoriété des acteurs et du réalisateur. L'affiche permettra essentiellement d'attirer l'attention du spectateur, ce qui n'est déjà pas si mal compte tenu de la masse de films qui sortent en salles tous les mois.
L'affiche joue donc un rôle que les professionnels ne peuvent se permettre de négliger. Tous les commerces attachent de l'importance à l'emballage de leurs produits. Pourquoi le monde cinématographique échapperait-il à la règle ?
Le Petit Larousse définit l'affiche comme « un avis officiel ou publicitaire placardé dans un lieu public pendant un certain temps ». L'affichiste n'est autre que « l'artiste spécialisé dans la création » de cette oeuvre.
Le mot « artiste » employé pour désigner la personne de l'affichiste nous paraît on ne peut plus adéquat. La confection de l'affiche est en effet un exercice rigoureux qui demande réflexion et maturation des idées. La profession en est d'ailleurs tout à fait consciente.
Il est donc logique que le droit d'auteur imprègne le travail de l'affichiste lorsqu'il réalise une maquette, même si ce dernier ne s'en rend pas forcément compte. L'affiche constitue sans le moindre doute une œuvre de l'esprit au sens des articles L 111-2 et L 112-1 du Code de la Propriété intellectuelle . Elle concrétise sous une forme singulière la conception que l'affichiste a du film tout en faisant une large place à sa créativité.
En effet, n'est-il pas original de réussir à résumer une œuvre en une seule image ?
L'affiche ne porte-t-elle pas indéniablement l'empreinte de la personnalité de son auteur dans la mesure où celui-ci ne se contente pas de procéder à un simple copier- coller avec le filmmais réussit à créer un véritable univers artistique?
Deux points importants sont à souligner dès à présent. Tout d'abord, l'œuvre ainsi réalisée n'est pas véritablement prédisposée à trouver sa place au sein de l'énumération de l'article L 112-2 du Code de la Propriété intellectuelle. L'affiche constitue généralement une création hétéroclite : comme nous allons le voir, elle se compose de divers éléments, tant photographiques, que graphiques, typographiques…
Or l'article L 112-2 fait de ces différentes composantes des œuvres en elles-mêmes sans évoquer un éventuel assemblage . Mais cela ne pose pas de véritable difficulté dans la mesure où cette liste n'est pas exhaustive . D'autres créations que celles énumérées par cet article peuvent être considérées comme de véritables œuvres de l'esprit. Les affiches de film sont donc susceptibles de donner prise au droit d'auteur.
Enfin, il faut souligner que les affiches ne sont pas considérées par les professionnels concernés comme des œuvres de publicité. Elles ne sont par conséquent pas soumises au régime de l'article L 132-31 du Code de la Propriété intellectuelle qui prévoit une cession automatique des droits d'exploitation de l'œuvre publicitaire au profit du producteur qui en a passé commande.
Cette solution peut surprendre. La publicité est définie comme « un message diffusé contre une rémunération ou toute autre contrepartie, en vue de promouvoir des produits ou services dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, ou en vue d'assurer la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée » .
Or l'affiche étant bien utilisée dans le but de promouvoir un produit, en l'occurrence un film, elle pourrait a priori revêtir la qualification d'ouvrage publicitaire. Dans les faits, l'affiche est traitée comme une véritable œuvre de l'esprit à part entière. La profession estime en effet qu'un tel support de communication n'a pas pour but de vendre le film mais simplement de le faire connaître auprès du public. La distinction peut paraître contestable puisque la publicité d'un film passe nécessairement par l'affiche.
Il semble donc intéressant de consacrer une étude à ces œuvres si particulières qui seront inévitablement associées à un film dans l'esprit du public alors même qu'elles émanent d'auteurs complètement distincts.
Pour appréhender la protection des affiches de film par le droit de la propriété littéraire et artistique, nous allons diviser notre développement en deux parties : l'une sera consacrée à leur conception et l'autre à leur exploitation.
[...] De cette manière, un simple briefing pour reprendre leur expression, suffit à éviter tout dérapage artistique Il faut cependant souligner qu'en raison de la forte créativité qui imprègne l'activité de l'affichiste, la détermination du contenu de l'œuvre se prête relativement peu à des prévisions contractuelles strictes. Notons enfin qu'il est tout à fait possible que le commanditaire laisse carte blanche à l'affichiste. Cela lui permet de disposer d'un plus large éventail de possibilités quant au choix de l'affiche définitive. Intéressons nous à présent aux contrats d'acteurs. De telles conventions sont nettement susceptibles d'affecter le travail de l'affichiste. [...]
[...] Or si l'affiche peut faire l'objet de quelques ventes, de telles exploitations restent véritablement accessoires par rapport à sa principale utilité : sa diffusion gratuite auprès du public par divers moyens (affichage urbain, magazines L'affiche n'a pour fonction d'être vendue mais de faire connaître un film. Par conséquent, le débit d'affiches rapporte très peu d'un point de vue financier. De plus, il ne faut pas négliger le fait qu'un tel commerce est entièrement dépendant du succès du film, ce qui peut apparaître comme un aléa dangereux pour l'affichiste. [...]
[...] Dans ce cas, ne pourrait-on pas déduire que la facturation de l'objet livré par l'affichiste emporte nécessairement cession des droits d'exploitation[16] ? On pourrait même envisager que la qualité ou l'activité des parties puissent être prise en compte pour compléter cet indice tiré de la nature de l'oeuvre[17]. Selon une pure logique de droit d'auteur, il est inconcevable que la simple commande d'une œuvre auprès d'un prestataire de services entraîne une cession automatique des droits de reproduction et de représentation du seul fait du paiement fait à l'auteur ou de l'acquisition de l'objet créé. [...]
[...] Pierre-Yves Gautier op.cit. 256 Article L 131-3 du Code de la Propriété intellectuelle précité L'article L 123 du Code de la Propriété intellectuelle dispose : L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l'auteur, ce droit persiste au profit de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent. Pierre- Yves Gautier op.cit. 261 On peut citer à titre d'exemple un arrêt de la CA Paris du 28 mai 2003 (Communication commerce électronique nov commentaire n°103 note de Christophe Caron). [...]
[...] Certaines juridictions du fond ont d'ailleurs clairement statué en ce sens. Par exemple, la Cour d'Appel d'Angers, en usant de son pouvoir d'interpréter les conventions ambiguës afin de déterminer la commune intention des parties, a considéré, dans un arrêt du 10 septembre 2001, qu'une cession de droits d'auteur pouvait, sous certaines conditions, être implicite[21]. Dans cette espèce, Monsieur Raimbault avait commandé puis acquis une maquette graphique auprès de la société Graphibus. Il se met à exploiter la maquette et la société Graphibus l'attaque en contrefaçon de son œuvre dans la mesure où aucune cession des droits n'était intervenue entre eux. [...]
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