Nous commencerons par décrire les grandes lignes du marché du nucléaire aujourd'hui, avant de détailler les forces de Porter du marché.
Présentation du secteur
Le nucléaire est la première source d'énergie de la France, développée depuis une cinquantaine d'années. À l'échelle mondiale, elle représente la troisième source d'énergie. Trente pays sont dotés d'énergie nucléaire. La France possède 56 réacteurs nucléaires, permettant en 2016 de produire 380TwH, sur un total de 538 TwH produits en France la même année (70% de la production française est nucléaire). Toutes les centrales françaises sont exploitées par EDF, qui est le seul acteur sur ce marché subventionné par l'État. L'État endosse la responsabilité de superviser la production d'énergie à l'échelle nationale, en concertation avec d'autres États européens et notamment avec notre voisin allemand.
La production d'énergie nucléaire a été souvent décriée, notamment ces 20 dernières années. Certains pays ont fait le choix de sortir progressivement du nucléaire, jugé trop dangereux, trop polluant, et lui préférant de fait d'autres sources d'approvisionnements. Néanmoins, la guerre en Ukraine déclarée par la Russie en février 2022 vient bousculer le marché et rebattre partiellement les cartes. Une partie des pays européens est en effet approvisionnée en immense majorité par du gaz en provenance de Russie, et pourrait souffrir de ruptures ou de diminutions d'approvisionnements dans les prochains mois. Cela remet le nucléaire au coeur du débat et relance les discussions sur d'éventuelles énergies alternatives.
Les forces de Porter du secteur
Le marché du nucléaire est un marché très particulier, très règlementé.
La menace liée aux nouveaux entrants est très faible. Les montants d'investissements sont colossaux et nécessitent des financements étatiques de grande envergure. Les délais de construction sont très importants. L'arrivée de nouveaux entrants sur ce marché est très peu probable.
Le pouvoir de négociation des clients est très faible. Les clients pris individuellement ont très peu de pouvoir, et sont entièrement dépendants vis-à-vis d'EDF en ce qui concerne le nucléaire. Les lobbys antinucléaires sont encore très faibles et relativement peu puissants, ils ne sont pas en mesure d'influencer le secteur.
Le pouvoir de négociation des fournisseurs. Les acteurs du marché, à avoir EDF et ses filiales, sont dépendants des décisions de certaines tierces parties (comme l'État), mais ne sont pas soumis à des négociations de la part de fournisseurs. En revanche, ils sont fortement impactés par les décisions étatiques, les évolutions technologiques, la règlementation en matière de gestion et de stockage des déchets, etc.
L'intensité concurrentielle, comme évoquée plus haut, est nécessairement faible, et cela ne semble pas être amené à évoluer dans les années à venir.
La menace de produits de substitution est limitée. Elle est certes dans l'air du temps, avec des pressions de plus en plus fortes ces dernières années poussant vers une limitation du nucléaire et vers la mise en place d'énergies plus propres, plus vertes, moins polluantes, plus diversifiées. Néanmoins, ces énergies alternatives demeurent encore limitées. L'éolien, par exemple, représente toujours moins de 10% de la production totale d'électricité en France, et cela ne peut donc pas représenter une alternative crédible et suffisante au nucléaire pour le moment. Les développements se poursuivent, mais les produits de substitution ne semblent pas prêts à supplanter le nucléaire dans sa globalité pour les années à venir.
L'intensité de la concurrence sur le marché du nucléaire est très limitée. Il s'agit d'un secteur spécifique, très encadré, très règlementé, car représentant un rôle stratégique à l'échelle nationale et internationale. Le choix de maintenir le nucléaire à une part élevée de l'énergie produite en France pourrait s'avérer stratégique dans les mois à venir, notamment en raison des difficultés d'approvisionnement en gaz naturel, et cela pourrait donner une sorte de nouveau souffle à ce secteur. Néanmoins, la concurrence y est faible, seulement représentée par les sources alternatives d'énergies, qui peinent à devenir des alternatives durables, crédibles, fiables. Le développement des panneaux solaires, des éoliennes aussi bien terrestres que maritimes (notamment avec les grands chantiers développés actuellement en Bretagne et en Normandie sur l'éolien maritime), sont autant de pistes qui devraient poursuivre leur développement dans le futur et permettre de réduire la part de l'éolien dans la production totale d'énergie française. Il semble néanmoins acquis que l'État n'ouvrira pas le marché à de nouveaux acteurs, sur le nucléaire, et que les forces de Porter en présence devraient rester globalement stables à l'avenir.
Source : EDF