Action, parole, délibération, libertés, entreprise, Nietzsche, Husserl, Heidegger, Levinas, Michel Henry, corps subjectif, entrepreneur, manager, rapport à l'autre
On a coutume de se référer à Descartes pour désigner l'instigateur du paradigme rationnel qui caractérise nos sociétés occidentales modernes. Le père de la Modernité en effet en posant l'exigence de « se rendre comme maître et possesseur de la nature » a induit chez l'homme contemporain une tendance à la rationalisation censée optimiser le réel et la gestion de ses ressources.
Ce processus de rationalisation du monde est constitué de plusieurs jalons théoriques qui démontrent combien les hommes en sont marqués jusque dans leurs actions et leurs représentations. Celles-ci sont devenues plus systématiques et méthodiques en même temps que les principes gouvernant la vie des hommes se sont progressivement imprégnés de ce que Weber a défini comme « l'esprit du capitalisme ».
Cette rationalisation orientée vers l'action pratique, c'est-à-dire la volonté de contrôle et de domination systématique de la nature et des hommes, se retrouve dans toutes les sphères de nos sociétés, à commencer par la sphère professionnelle. Si le rationalisme a d'abord été un modèle bénéfique et fécond pour la recherche scientifique, et que la sphère économique s'est convertie à ce modèle structurel, l'ensemble des sphères de l'action n'en a pas moins été affecté, à commencer par les actions sociales élémentaires et les relations interpersonnelles. Ce processus de rationalisation a en effet pour conséquence le développement d'actions de type rationnelle en finalité (Weber), où le seul critère de détermination des moyens et des buts sera l'efficacité, et non leur contenu moral, par exemple. Et c'est précisément là que le bât blesse : cela tend à rendre les relations sociales à la fois impersonnelles, instrumentales et utilitaires. Les acteurs auraient tendance à ne se considérer que comme des moyens impersonnels dans la poursuite de fins bien définies.
Cette stratégie utile qui contribue à réduire l'individu à sa seule fonction participe d'un phénomène plus englobant d'appauvrissement de la vie, que Weber a défini comme « désenchantement du monde ». Le monde, uniquement régi par la causalité rationnelle, en vient à être considéré comme dépourvu de sens, étant un pur mécanisme sans intention. Le sens de l'existence, la signification fondamentale du monde disparaît pour l'homme moderne, dans un univers saturé de rationalité. Les choses de la vie quotidienne deviennent insignifiantes. Car en effet pour qui compte plier la réalité à la seule rationalité, autrement dit pour qui entend figer le mouvement du vivant dans un mécanisme, tout ce qui a trait au sens véritable et à son épanouissement, s'en trouve étouffé. Les conditions même de possibilité du bonheur et du sens sont ébranlées : le passage de l'organique au mécanique opéré par l' « épuration rationnelle » conduit à la perte de la chair, de l'affect, de l'expérience de vie et des émotions associées. Le « corps subjectif » (M. Henry) est perverti par une logique qui fait fi de son expérience véritable, la seule qui soit à même de conférer un sens véritable et authentique à son existence. Le sujet devient un acteur qui se conforme à sa fonction. Ce qui fait la singularité même de l'humain est oublié, voire nié dans le processus qui fait de l'humain même un objet, une chose, un outil. Ses rapports à autrui, à l'argent, au désir, aux actions, au temps sont modifiés par une telle emprise de la rationalité conçue non pas seulement comme moyen mais aussi comme finalité.
Cette réification de l'homme n'est cependant pas une fatalité, il existe encore des possibilités d'épanouissement de l'humain dans sa spécificité, toujours déjà des interstices de vie sont à creuser dans ce que Nietzsche appelle le « désert de la Modernité ».
Ces interstices vont s'articuler notamment autour de l'ouverture aux notions d' « intégrité », de « parole délibérative », de « critique », pour envisager ce qui peut donner corps et raison à l'individu dans son ensemble.
Au carrefour de la phénoménologie et de l'existentialisme, ce travail va s'appuyer dans un premier temps sur une analyse théorique de ce qui cadre et fait droit à la « dynamique de la vie », pour ensuite tâcher de saisir dans l'empirique de quelques études dans un cadre professionnel ce qui correspond, ou va à l'encontre, de la « dynamique de la vie ».
[...] Le pendant de cette considération de soi en tant qu'objet est la délivrance du soi sujet dans ses relations avec ses pairs. Avec ceux-ci et en marge du cadre professionnel existe un espace de parole où on laisse libre cours à ses pensées ses angoisses. Mais là encore, Pierre parle des endroits à la marge de son travail et pas de son travail au quotidien où la réification semble prendre le pas sur le sujet, où le médecin s'enferme dans son rôle chaque jour un peu plus. [...]
[...] [ ] Cette injustice a toujours existé et personne autour de moi n'a jamais rien dit. On a tous été lâches à un moment ou à un autre car on a tous eu l'occasion un jour de se lever devant une injustice flagrante mais dans ces moments là c'est chacun pour sa pomme. Voilà un témoignage poignant de quelqu'un qui a vécu et perpétué la destruction de la parole, la dérision au sein de l'entreprise et a nié la dynamique de la vie au sens premier du terme. [...]
[...] Je ne peux percevoir que ce qui pour moi a un sens, une signification Ce Moi transcendantal fonde toute expérience, et c'est vers lui que toute expérience revient, et c'est précisément lui qui est universel parce que partagé par tous les humains en tout temps. La conscience conçue par Husserl, qui est relation, est aussi par elle-même existence, sens et signification. Elle pose l'adéquation de la conscience au sens, et ultimement, à sa propre liberté. Est-ce à dire que c'est par manque ou défaut de conscience que la liberté des employés en entreprise est parfois bafouée ? N'est-ce pas la conception même d' employé qui pose problème ? [...]
[...] Nous pensons en effet que la conception cartésienne du sujet comme d'un ego cogito, fortement réductrice, a mis à mal l'épanouissement de l'individu et reste très prégnante dans nos sociétés et dans l'entreprise aujourd'hui. Toutefois, nous demeurons optimistes quant à l'avenir, une décomposition, en général, n'est jamais négative. Elle permet de prendre conscience de ce qui se perd. Elle met en lumière ce qui auparavant était tellement évident, car allant de soi, qu'on ne le voyait pas. La vie est telle que, à un moment ou à un autre, des valeurs plus actives et positives reprennent le dessus; des valeurs plus humaines émergent çà et là. [...]
[...] Nietzsche a pensé que le monde moderne allait entrer dans une période d'athéisme et que, loin d'être une libération, cela allait l'affaiblir. Certes, dans la religion tout n'est pas lumineux. Mais, au moins, le fait de croire manifeste une volonté. Il est désormais à craindre que les hommes n'aient plus aucun but dans la vie et que le nihilisme progresse, en annihilant toute volonté. Nous sommes tous des assassins, mais nous ne le savons pas. Nietzsche s'adresse ici à tout le monde, croyants comme incroyants. Nous avons tué Dieu ! [...]
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