Echec de l'alliance, Renault, Volvo, Stéphane Lauer, sur Louis Schweitzer, Louis Schweitzer, processus d'intégration, choc culturel, communication, benchmarking
Dans son ouvrage, Stéphane Lauer dresse étape par étape le portrait du constructeur automobile français, focalisant particulièrement son attention sur Louis Schweitzer, ex-PDG de Renault et manager d'exception.
D'envergure internationale, pesant pas moins de 42 milliards d'euros, Renault offre aujourd'hui l'image d'une entreprise solide et dynamique. En 2005, l'ancienne Régie menait tambour battant son alliance avec Nissan, sous l'autorité conjointe de Carlos Ghosn, le très charismatique Directeur Général du constructeur japonais. Une opération brillante qui devait aboutir à l'introduction de Renault à hauteur de 44% dans le capital de Nissan. Conséquence de cette alliance, le constructeur français sautera de la dixième à la quatrième place au rang des constructeurs d'automobile mondiaux. Nissan, classé en 1999 « valeur précaire », verra en quelques années sa capitalisation boursière doubler.
Ces bons résultats ne sont pas intervenus par chance ou par hasard, et l'on s'aperçoit que l'entreprise a connu de nombreux et sérieux échecs avant d'occuper sa position. De fait, une alliance de cette nature est une opération d'une extrême difficulté qui demande un grand savoir-faire et peut difficilement faire l'économie de l'expérience. Ainsi, parmi les fiascos les plus retentissants de l'ancienne Régie, trouve-t-on le projet avorté de fusion avec le constructeur suédois Volvo. Déjà présent en Espagne, Slovénie, Turquie et Brésil, Renault est alors à la recherche de marchés plus rentables. Volvo lui offre, entre autres, une ouverture aux États-Unis et en Asie.
Plus que prometteuse, menée par des managers dont les preuves ne sont déjà plus à faire, l'opération va pourtant virer à la catastrophe. Les erreurs sont nombreuses et il peut paraître facile de les cataloguer après coup et avec le recul. Néanmoins, les statistiques alarmantes dans ce domaine incitent à penser qu'il n'est pas inutile d'étudier ce qui peut faire échouer un tel projet. Ce cas démontre en effet la complexité d'opérations lancées trop souvent avec légèreté, et Renault vécut son échec comme le prix à payer pour la réussite de ses stratégies ultérieures.
Bien que l'ouvrage de Stéphane Lauer n'offre pas une analyse stratégique approfondie de cette opération, ce n'est pas le sujet, il m'a semblé néanmoins qu'il proposait un point de vue suffisamment large et intéressant pour autoriser une réflexion générale. Mon propos n'est certainement pas de juger la façon dont l'opération fut menée, mais plutôt de chercher à comprendre les raisons de l'échec d'une alliance qui, au départ, avait tout d'une « win-win situation ».
J'ai donc choisi d'évoquer, dans un premier temps, les aspects favorables du projet, tels qu'ils se sont présentés aux deux sociétés. Dans un deuxième point, j'envisagerai ce qui fut la cause la plus évidente de l'échec, à savoir le choc culturel, conséquence visible d'une carence de communication. Je traiterai enfin des causes plus profondes en envisageant dans une troisième partie les erreurs commises dans le processus d'intégration.
[...] Face à la concurrence japonaise, ils sont contraints d'engager une bataille par les coûts et connaissent de nombreuses difficultés pour s'imposer. Dans ce contexte, le rapprochement des constructeurs français et suédois représente une excellente opportunité de parvenir à la taille critique nécessaire à l'implantation du groupe sur le marché automobile mondial. Pour Louis Schweitzer, elle offre également un débouché à l'exploitation de RVI dont l'activité, jusqu'alors, ne semblait guère promise à un long avenir. Ainsi Volvo et Renault avaient-elles d'excellentes raisons de rechercher une fusion, contrairement à certaines entreprises dont on peut parfois juger le rapprochement peu cohérent, comme c'est le cas aujourd'hui de Safran, issue de Sagem et Snecma. [...]
[...] C'est le mérite de l'ouvrage de Stéphane Lauer que de nous faire prendre conscience du processus d'expérience et d'apprentissage de l'ancienne entreprise publique. Le chapitre décrivant les tentatives de rapprochement des constructeurs français et suédois autorise ainsi une réflexion plus large, qui peut s'inscrire aussi bien dans le cadre de l'histoire industrielle de Renault que dans celui du phénomène général des fusions acquisitions. Car il me semble que cette opération peut être comprise comme un cas d'école tant on y retrouve d'erreurs communes à de nombreux projets de ce type. [...]
[...] Concrètement, sous la pression du gouvernement, Renault en est venu à imposer une sorte de Golden share au profit de l'État français (Volvo, possédant 35% du nouvel ensemble n'avait de droit de vote qu'à hauteur de 20%). Les atermoiements du gouvernement quant à la privatisation de l'ancienne Régie ont considérablement renforcé cette impression d'une main mise des Français sur le processus. Les salariés et les cadres de Volvo ont tout simplement cru qu'ils perdaient le contrôle de leur entreprise au profit d'un État français omniprésent. Pendant les deux années passées à attendre l'aval du gouvernement, la conjoncture économique s'inversait et le constructeur suédois, regagnant en compétitivité, acceptait de plus en plus mal cette situation humiliante. [...]
[...] Les grandes idées et les projets à long terme ne sont pas suffisamment mobilisateurs et n'ont finalement pas grand-chose en commun avec la gestion quotidienne. Il y a donc là un problème de langage et de transmission entre le sommet et la base de l'entreprise. Un défaut qui s'avèrera encore plus aigu chez le constructeur suédois dont le PDG ne jouit plus de la légitimité du patron de l'ancienne Régie. De fait, les efforts demandés exigent d'obtenir rapidement les premiers résultats pour entretenir le mouvement. Il faut donc savoir gérer un calendrier multiple et sa communication. [...]
[...] Refusant de se séparer de cette branche de son entreprise, celui-ci fait alors glisser la discussion vers un accord plus global incluant l'automobile. L'alliance est signée en 1991. Volvo acquiert 20% de Renault et un projet de fusion est rapidement élaboré. Entre temps, le constructeur français connaît un changement de direction qui voit, en 1992, l'arrivée de Louis Schweitzer au poste de PDG de la société. Si le projet suscite l'enthousiasme des deux managers, c'est que les deux sociétés semblent tout à fait complémentaires. [...]
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