Etudiants, école de commerce, cabinets d'audit et de conseil, conformisme de masse, accomplissement de soi, insertion professionnelle des jeunes, choix d'un travail, culture, management, dématérialisation du pouvoir
Dans une société où la réussite se conjugue plus avec le verbe avoir qu'avec le verbe être, les critères qui déterminent le choix d'un premier emploi ont parfois tendance à s'éloigner du bon sens, et à être influencés par quantité de facteurs externes au service du « bien paraître ». Il semble qu'actuellement, dans certains milieux, l'atteinte d'un idéal spirituel, éthique, culturel et social importe moins que les performances exprimées en termes d'argent, de prestige ou de pouvoir.
Plus leur niveau de formation est élevé, plus les jeunes qui entrent sur le marché du travail accèdent aisément à l'emploi. En effet, la formation facilite la socialisation et la maturation, ce qui a un impact direct sur l'intégration dans l'emploi. Les étudiants y construisent des réseaux qui complètent les relations familiales et amicales. Elle favorise aussi les relations avec un milieu professionnel spécifique, au sein des stages et des contacts avec les enseignants, qui amorcent l'apprentissage des valeurs et des normes à l'œuvre au sein du métier préparé.
Les organisations, quant à elles, déploient toutes leurs forces pour attirer les jeunes qui, avec leurs connaissances et leur savoir-faire, constitueront leur ressource principale, le contenu du travail devenant plus immatériel. La valeur intrinsèque de l'individu prend une plus grande importance et la rétention des travailleurs prend une place croissante dans les préoccupations des entreprises et du management. La question qui semble se poser est comment motiver, contrôler et garder les employés alors que le rapport de force entre travailleurs et dirigeants n'est plus aussi clairement établi qu'au début du siècle. Cependant, les organisations sont-elles aussi dépourvues de moyens de contrôle face à des individus plus indépendants et avec un plus fort potentiel économique ?
Le but de ce mémoire est d'étudier la perception qu'ont les étudiants des organisations, ainsi que la vie professionnelle qu'ils y auront. Pour cela, nous nous appuierons sur l'étude de trois populations fortement liées, les étudiants en école de commerce, les grands cabinets d'audit et de conseil et les écoles de commerce.
Actuellement, parmi les étudiants en écoles de commerce, un tiers sinon plus se destinent à intégrer un grand cabinet d'audit ou de conseil. Cet engouement pour ce secteur d'activité gagne peu à peu toutes les filières de l'enseignement supérieur, et les établissements tentent à leur tour de s'ajuster pour répondre au mieux aux attentes des entreprises.
Pourquoi les grands cabinets d'audit et de conseil attirent-ils un si grand nombre d'étudiants ? La vie professionnelle qu'ils auront au sein de tels cabinets correspondra-t-elle à leurs espérances ?
La recherche d'une réponse à cette problématique nous permettra d'effectuer une approche triangulaire de notre sujet, en nous intéressant aux trois populations concernées : les étudiants, les entreprises et les écoles.
Dans une première partie théorique, nous exposerons l'état de l'art correspondant à ces trois populations, examinant les déterminants de l'insertion professionnelle (I), la culture, le management et le pouvoir (II) et l'influence de la formation sur l'orientation des individus (III).
Dans une seconde partie empirique introduite par notre problématique, nos hypothèses (IV) et la méthodologie de la recherche adoptée (V), nous nous attacherons à comprendre la provenance de l'attraction exercée par les grands cabinets d'audit et de conseil sur les étudiants en école de commerce, ainsi que les mécanismes de pouvoir qui leur permettent de contrôler les individus embauchés (VI, VII).
En conclusion, nous nous interrogerons sur l'avenir de tels choix de carrières, et sur une dynamique qui s'effectue parfois au détriment des aspirations personnelles de chacun.
[...] De plus, les grands cabinets d'audit et de conseil sont les premiers à rechercher des profils comportant des expériences associatives ou à l'étranger. Ce dynamisme et cette ouverture d'esprit dont ont fait preuve les étudiants lors de leur scolarité à l'école sont ainsi reconnus ouvertement, et les jeunes sont conscients de leur valeur auprès des cabinets. Nous analysons ici l'inversion de la démarche de recherche d'emploi. Un camarade nous disait : Je suis parti un an en Suède, et je m'occupe de l'association sportive de l'école, cela fait partie de ma vie à l'école, j'aimerais que ça me serve. [...]
[...] Limoges (1991), par exemple, a développé un modèle dans lequel il identifie les quatre dimensions indépendantes et complémentaires de toute insertion. Ces dimensions, qui forment ce qu'il appelle un trèfle chanceux sont l'environnement socio-politico-économique, le soi, le lieu où se fait la recherche d'emploi et la méthode utilisée pour obtenir un emploi. Pour sa part, Mason (1985) propose un modèle à caractère sociologique, qui comprend une énumération complète des facteurs sociologiques qui influent sur l'insertion professionnelle. Cependant, il n'accorde que peu d'importance aux facteurs psychologiques de l'individu concerné, alors qu'il est évident que ces variables peuvent influer sur le degré de réussite d'une démarche d'insertion. [...]
[...] Cette organisation favorise la collaboration et la solidarité au sein des équipes mais encourage surtout la surveillance des uns et des autres. Les personnes ne tenant pas leurs objectifs sont alors peu à peu stigmatisées, les personnes quittant le bureau plus tôt que la moyenne sont facilement repérables dans les espaces ouverts et souvent mises à l'écart des responsabilités. Cette attitude face au travail s'exprime particulièrement en cas de forte pression de travail. Les consultants reconnaissaient culpabiliser en période de pression en sortant exceptionnellement du bureau à 22 heures alors que les autres membres de l'équipe ou les supérieurs restent plus tard. [...]
[...] Si nous voulions examiner l'implication des écoles et des étudiants dans ce phénomène d'attraction et de mode, nous concluons surtout que les grands cabinets en sont les principaux acteurs, les deux autres populations subissant davantage leur emprise. La valeur et l'enseignement que nous avons tirés de ce travail de recherche sont supérieurs à ce que nous aurait apporté une recherche plus orthodoxe. Cette analyse de l'impact que peut avoir un mode de management donné en termes de pouvoir et de contrôle sur les individus doit pouvoir être utile à tout collaborateur d'une grande organisation et, à plus forte raison, à tout dirigeant souhaitant voir ses attentes réalisées en minimisant les conflits de personnes. [...]
[...] Afin d'évaluer la pertinence de la théorie exposée et de la confronter avec un cas pratique qui soit représentatif par le nombre d'individus concernés, nous avons choisi d'effectuer notre étude empirique sur un type d'organisation qui a intégré toutes les dernières innovations en matière de management et de nouvelles technologies, les grands cabinets d'audit et de conseil. En effet, ces derniers parviennent à attirer chaque année davantage d'étudiants et de jeunes diplômés. Cela est flagrant, notamment au sein des écoles de commerce, où un tiers des étudiants effectue aujourd'hui un passage en cabinet d'audit ou de conseil. [...]
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