Responsabilité Sociale des Entreprises, RSE, développement durable, responsabilité sociale, responsabilité environnementale, entreprise citoyenne, management sociétal, management éthique, management des affaires
Il semble que le thème de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), dans le cadre du développement durable, est à la mode aussi bien auprès des managers et au sein même des entreprises, qu'auprès des pouvoirs publics et des législateurs. En effet, il ne se passe pas une semaine sans que les thèmes de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, des règles déontologiques de l'entreprise, des codes de bonne conduite ou des chartes éthiques ne soient abordés dans notre quotidien.
La RSE vient en effet s'ajouter à de nombreux autres concepts tels l'entreprise citoyenne, le management sociétal, éthique, des affaires… qui renvoient plus ou moins à une même idée : l'entreprise doit être considérée comme une institution sociale dont les activités s'inscrivent dans la vie citoyenne et qui, à ce titre, est responsable vis-à-vis de tous les acteurs qui composent la société. L'expression « entreprise responsable » a largement été utilisée par le passé tout d'abord dans le cadre d'une première conception au début des années 1990 par le Centre des jeunes dirigeants sous le vocable « entreprises citoyennes », puis quelques années plus tard avec l'émergence de la responsabilité dite sociale et environnementale. Alors nouvelle utopie ou simple mode de management éphémère ? Il semblerait que le succès de cette thématique ne soit pas vraiment dû au hasard.
En effet, nos sociétés modernes sont à la recherche de nouveaux repères face aux bouleversements qu'elles connaissent : mondialisation et globalisation des marchés financiers, menaces sur les ressources écologiques, innovations technologiques, développement de l'information grâce aux Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC), etc. Le thème de Responsabilité sociale fait par ailleurs écho à l'évolution de la manière dont est réparti le pouvoir au sein même de nos sociétés : augmentation du pouvoir des grandes firmes multinationales, diminution de celui de nos institutions publiques, développement d'une économie financière en parallèle de celle économique, accentuation de la dualité planétaire entre pays industrialisés et pays en développement… Il s'avère en fait que la performance économique ne conduit pas nécessairement au bien-être de la société et au progrès social puisqu'elle peut entraîner - la société a pu le constater - une destruction de l'environnement, une insécurité au niveau du travail et une discrimination vis-à-vis de certains groupes sociaux. Après la génération de pensée linéaire qui prévalait jusque dans les années 1970, la pensée systémique, qui visait à modéliser les interactions sans toucher aux allocations de ressources, s'est développée au cours des trente dernières années. Celle qui semble émerger aujourd'hui est poussée par l'approche du développement durable et demeure d'une nature globale.
Le développement de la notion de RSE reflète donc une certaine volonté de définir de nouvelles règles économiques, sociales et écologiques, permettant une meilleure cohabitation entre les acteurs de la société. La RSE apparaît depuis quelques temps comme un enjeu des relations internationales, du fait qu'elle est le théâtre d'efforts de construction de normes qu'un acteur majeur de la mondialisation, l'entreprise, et plus particulièrement la firme multinationale, est invitée à respecter. Le droit international définit un ensemble de règles qui s'imposent aux Etats et l'objectif des négociations sur la RSE est leur application. L'affaire Enron, et quelques autres, ont souligné les dangers que peut représenter l'affaiblissement du contrôle public alors que ce type d'acteur dispose de pouvoirs considérables dans les domaines du commerce, de l'investissement, de l'emploi, de l'environnement, et de marges d'action dangereuses en matière de délinquance financière et de corruption. De plus, ce pouvoir est aussi économique et s'exerce en particulier au travers des délocalisations et de la pression exercée sur certains gouvernements...
Si le concept de RSE est d'origine anglo-saxonne (Corporate Social Responsability), il correspond à des pratiques largement partagées dans le monde de l'entreprise mais qui ne forment pas une doctrine unique, la culture entrepreneuriale étant elle-même variable d'un pays à l'autre. Ainsi le mot « social » a-t-il un sens beaucoup plus large en anglais qu'en français : « sociétal » en est une traduction plus exacte. Trois dimensions sont généralement mises en avant : l'organisation interne de l'entreprise et ses relations avec ses partenaires (qualité et transparence du management et de la relation aux actionnaires et à la clientèle), l'environnement et les relations sociales.
Le Livre Vert de l'Union européenne sur ce sujet propose pour définition : « L'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations avec toutes les parties prenantes internes et externes (actionnaires, personnels, clients, fournisseurs et partenaires, collectivités humaines...), et ce, afin de satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables et d'investir dans le capital humain et l'environnement. »
La conception française précise cette définition par l'obligation pour tout acteur économique et social de respecter plus précisément les quatre principes fondamentaux de l'homme au travail définis par la déclaration de l'OIT de 1998 (liberté syndicale et de représentation, interdiction du travail forcé, non discrimination et élimination du travail des enfants), ainsi que les obligations créées par les traités internationaux relatifs à l'environnement, et par la convention sur la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de l'OCDE. Il s'y ajoute la réaffirmation de la hiérarchie de l'espace juridique international, telle que le droit public a le primat sur le droit privé, et une attention toute particulière pour le dialogue social.
Toutefois, certains souhaitent apporter un bémol à la définition de la RSE établie par le Livre Vert de l'Union européenne. En effet, la RSE ne peut vraisemblablement pas être réduite à une démarche optionnelle même si les représentants du Medef voire de l'UE l'ont définit comme telle. Volontaire certes, car elle nécessite une implication décidée par l'entreprise. Mais les entreprises ne se découvrent pas responsables soudainement et par charité ou simple obligation morale. En effet, nous pouvons considérer que malgré tout elles y sont amenées sous l'impulsion des règlementations publiques et de la menace de leur durcissement, mais aussi sous la pression de relais d'opinion et d'une meilleure connaissance des dégâts causés par l'activité économique. Les entreprises s'y engagent également dans un intérêt bien spécifique : l'entreprise responsable devient un facteur de différentiation qualitative pour les consommateurs et les investisseurs. Elle permet d'anticiper les contestations multiples d'une activité et surtout de limiter les risques de réputation. L'écologiquement et le socialement responsable fait vendre. En effet, ils peuvent créer de nouveaux marchés technologiques ou de consommation.
Ainsi, la Responsabilité sociale des entreprises peut être définie, d'une manière plus générale, comme l'application par les entreprises des contraintes et opportunités du développement durable. Contraintes car mettre en place un développement durable reste difficile, long et coûteux, opportunités car la prise en compte du développement durable offre des débouchés de marché et s'avère être un facteur d'avantage concurrentiel. Mais comment définir alors le développement durable ?
Le « développement durable » est, selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (Commission Brundtland), « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de " besoins ", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » (Rapport Brundtland). L'environnement est en effet apparu à partir des années 1970 (cf. annexe 1) comme un patrimoine essentiel à transmettre aux générations futures et le philosophe Hans Jonas a exprimé cette préoccupation dans son livre Le Principe responsabilité (1979).
Au Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro en 1992, la définition Brundtland, axée prioritairement sur la préservation de l'environnement et la consommation prudente des ressources naturelles non renouvelables, sera modifiée par la définition des « trois piliers » qui doivent être conciliés dans une perspective de développement durable : le progrès économique, la justice sociale et la préservation de l'environnement.
Un avenir soutenable ne peut se concevoir en épuisant les ressources de la planète et en dévastant le capital humain qui non seulement conditionne la qualité de la production, mais aujourd'hui la capacité à innover et la valeur « immatérielle » de l'entreprise. Et non, le développement durable ne semble pas se résumer à la simple superposition des trois termes de l'équation. C'est leur articulation et le difficile équilibre à trouver qui sont en question. Il s'agit de veiller à ce qu'aucun des trois piliers ne l'emporte et que la satisfaction d'une exigence du développement durable ne soit pas nuisible aux autres. Ceci impose donc des arbitrages.
Les pays développés (souvent appelés pays du Nord) ont pris conscience depuis les années 1970 que leur prospérité est basée sur l'utilisation intensive des ressources naturelles, et que par conséquent, outre l'économique et le social, un troisième aspect a été négligé : celui de l'environnement. Il est maintenant évident que le modèle de développement occidental n'est pas viable sur le plan environnemental, ce modèle ne permettant pas de durer et de se développer : changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre, pollutions, destruction d'écosystèmes, altération inestimable de la biodiversité, raréfaction des énergies fossiles et des matières premières… sont autant de failles environnementales induites par notre système économique capitaliste. De plus, au problème de viabilité environnementale s'ajoute un problème d'équité : il est à craindre que le souhait d'évolution des pays en développement (souvent appelés pays du Sud) vers un état de prospérité similaire, édifié sur des principes équivalents, n'implique une dégradation encore plus importante de la biosphère.
Dans ce contexte, les entreprises ont un rôle non négligeable à jouer dans le pari du développement durable. La part de responsabilité qui leur incombe consiste à conjuguer performance économique et responsabilité afin de contribuer au « contrat d'équilibre », une responsabilité dont elles ne sauraient s'extraire sous peine d'exclusion à plus ou moins court terme. Cette contribution fonde en effet leur « utilité », leur légitimité. Le développement durable porte ainsi la conscience de l'entreprise et en oriente le sens, donc la stratégie. Certains dirigeants d'entreprises l'ont aujourd'hui compris : les stratégies qu'ils vont mener vont influencer la réputation et la survie de l'entreprise. L'interdépendance mondiale à laquelle nous nous ouvrons rend cette dépendance à la fois plus intense et plus critique. En même temps, ils doivent aussi rendre compte de leurs résultats financiers à leurs actionnaires. Or prendre en considération le développement durable et pratiquer des politiques responsables a un coût. Néanmoins, la justification d'une stratégie de Responsabilité sociale trouve aisément ses sources dans le fait que les meilleurs résultats des entreprises sur le long terme seront assurés par celles qui apporteront quelque chose de plus, des valeurs, du sens, et une responsabilité vis-à-vis des populations et des générations futures.
Ainsi, il serait pertinent de se demander comment les entreprises peuvent parvenir à pratiquer des stratégies efficaces intégrant le développement durable. La question majeure revient à comprendre dans quelle mesure la responsabilité sociale des entreprises peut aujourd'hui, et dans un contexte de mondialisation, répondre aux exigences du développement durable.
La question soulevée n'est pas simple. Nous savons que le développement durable, au-delà de la conciliation des trois piliers et des échelles de décision, manifeste une demande de démocratie participative et une contestation des effets néfastes de la mondialisation. C'est ce que tente de traduire tant bien que mal la théorie des « stakeholders » ou théorie dite des « parties prenantes ». Les parties prenantes incarnent ceux qui exercent une influence sur l'entreprise ou qui sont influencé par elle, en opposition aux « shareholders » qui partagent une partie de la valeur de l'entreprise, autrement dit les actionnaires. Ainsi, les parties prenantes englobent aussi bien les salariés que les fournisseurs, les clients, les représentants politiques et les représentants de la société civile telles les grandes ONG ou les associations de riverains. Le constat est qu'une pression multiforme s'exerce de manière croissante, sans que l'entreprise parvienne à canaliser cette mouvance.
Nous verrons dans un premier temps que la responsabilité sociale est ainsi sollicitée pour répondre à de nouvelles contraintes auxquelles doivent désormais faire face les entreprises. En effet, le changement climatique, l'évolution peu favorable des besoins énergétiques et la raréfaction des ressources sont à prendre d'urgence en considération afin d'éviter des désastres environnementaux inéluctables. A cela s'ajoute une pression considérable de la société civile, qui, dans une ère mondialisée, n'hésite plus à dénoncer ouvertement les comportements non responsables, notamment ceux des grandes multinationales, que ce soit aussi bien au niveau social qu'environnemental. Les Organisation Non Gouvernementales (ONG) apparaissent alors comme le principal moteur de la revendication d'une responsabilité sociale. L'entreprise a du mal à les identifier, mais une chose est certaine, elles disposent d'un poids qui peut aisément briser l'image d'une marque peu éthique. Enfin, répondre à ces défis nécessitera pour les entreprises d'envisager des innovations technologiques ou organisationnelles beaucoup plus radicales que par le passé, et donc beaucoup plus coûteuses. Cette contrainte, une fois prise en compte, permettra grâce aux innovations une différenciation qualitative et l'ouverture de nouveaux marchés plus « verts ».
Mais adopter une stratégie de responsabilité sociale soulève des barrières que l'entreprise devra surmonter coûte que coûte. En effet, nous verrons que de telles pratiques restent difficiles en mettre en oeuvre pour l'heure. Nous aborderons donc dans un deuxième temps le soutien timide du consommateur et tenterons de comprendre pourquoi la consom'action éprouve encore des difficultés à émerger. Nous nous pencherons ensuite sur l'encadrement de la RSE par des institutions multilatérales qui veillent au respect du développement durable mais qui n'alimentent pas assez le cadre directeur d'une politique de responsabilité sociale efficace, et enfin le rôle des institutions européennes entre opportunité et contrainte de développement durable.
[...] En réalité ils ne sont que 26% à déclarer avoir effectivement refusé d'acheter un produit pour une raison citoyenne[34]. D'après cette étude menée par le Credoc pour le compte de Sessi (site du ministère de l'Industrie), la consommation citoyenne est un thème porteur mais il est encore trop tôt pour dire si elle est appelée à devenir un véritable ressort des motivations d'achat. De plus, il est important de souligner que le consommateur, d'une manière générale, demeure contradictoire dans ses comportements. [...]
[...] En France, ces secteurs émettent aujourd'hui 33% des émissions de CO2 du pays, part qui devrait diminuer à l'avenir en raison de la dématérialisation de l'économie, de la prédominance des services et de l'amélioration de l'efficacité énergétique (cf. annexe 2). Cependant sans effort, leur contribution pourrait augmenter de 19% d'ici à 2050[10]. Au niveau mondial, ces secteurs représentent aujourd'hui 61% des émissions de dioxyde de carbone. Mais ces chiffres ne tiennent pas compte du résidentiel tertiaire (bureaux) et des transports de marchandises, tous deux fortement émetteurs de CO2, alors que ce sont ces deux derniers secteurs qui ont les perspectives de croissance les plus élevées. [...]
[...] La réponse des entreprises : l'engagement dans des innovations technologiques et organisationnelles radicales et coûteuses qui favorisent le développement durable Malgré des déclarations tonitruantes sur l'ère de l'après-pétrole qui aurait déjà commencé, l'humanité n'a jamais consommé autant d'or noir, de gaz et de charbon qu'en 2005[26]. La solution aux problèmes écologiques rencontrés précédemment et qui atténuera la pression grandissante des parties prenantes de l'entreprise n'est pas simple. Elle nécessitera des innovations radicales. A l'heure actuelle, les secteurs industriels ont déjà réalisé des progrès importants surtout en ce qui concerne l'efficacité énergétique. Mais l'entreprise ne peut malheureusement pas envisager de technologies de rupture à court et à moyen terme. C'est un travail de longue haleine qu'elle a commencé à mettre en œuvre. [...]
[...] Certaines PME assument déjà leur responsabilité sociale, notamment au travers d'un engagement local. Les coopératives de travailleurs et les programmes de participation, ainsi que d'autres formes d'entreprises de type coopératif, mutualiste ou associatif, intègrent dans leur structure les intérêts d'autres parties prenantes et assument d'emblée des responsabilités sociales et civiles. Les principales actions menées par les organisations multilatérales sont représentées par deux acteurs principaux, à savoir l'OIT et l'OCDE. L'OIT, pourtant productrice de conventions qui devraient théoriquement se transformer en droit intangible, s'est lancée dans l'aventure de la Soft Law et des lignes directrices. [...]
[...] Source : Régis BIGOT, La consommation engagée Mode passagère ou nouvelle tendance de consommation Le 4 pages des statistiques industrielles 170, décembre 2002. Sophie Péters, L'achat équitable gagné par le chic de l'étiquette Les Echos mai 2006. Source : site officiel du ministère de l'industrie dédié à la consommation : www.consodurable.org rubrique écolabels. Sources : site officiel Credoc (www.credoc.fr), Ethicity (www.ethicity.net), et sondages Ipsos et TNS Sofres. Typologie 2005 des consommateurs responsables, Ethicity, www.ethicity.net. Selon un sondage TNS Sofres de juin 2004. [...]
Référence bibliographique
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