Tout est parti d'un souvenir de mon enfance. Tous les soirs, après le repas, j'avais l'habitude de demander à mes parents si je pouvais me lever de table pour aller voir la publicité à la télévision. Pourquoi étais-je alors attirée par celle-ci ? Quelle sorte de fascination exerçait-elle sur moi, au point que je demandais à ne regarder que les quelques minutes concernées ?
Beaucoup plus tard, tout récemment, alors que je faisais la queue aux caisses d'un supermarché, j'entends une petite fille dire à sa mère qui lui avait acheté des stylos pour l'école : « J'en veux pas : personne ne les a, ceux-là »… Pourquoi cette petite fille accorde-t-elle autant d'importance à cet objet alors que celui-ci n'est même pas un jouet ? Pourquoi veut-elle avoir le même que les autres ?
C'est en me posant ces questions que j'ai choisi de réfléchir sur le thème du marketing et des enfants et de l'aborder avec un regard critique. De plus, ce sujet est tout à fait d'actualité car force est de constater que les enfants prennent de plus en plus d'importance aujourd'hui au sein de la société.
En effet, le poids économique considérable qu'ils représentent a conduit de plus en plus d'entreprises à les intégrer dans leur réflexion marketing. Dès que les enfants sont impliqués, la passion prend généralement le pas sur la raison et on assiste alors souvent à des débats houleux où les arguments avancés par les diverses parties pêchent par manque de fondements.
D'après le sociologue Gilles Brougère , l'enfant est désormais le noyau familial. Comme le couple est devenu provisoire, que la famille s'est déstructurée, il est l'élément qui assure l'unité et la stabilité. L'autorité parentale ne disparaît pas mais elle s'exerce différemment : la relation avec l'enfant est davantage marquée par la négociation. Dorénavant, chaque enfant revendique ses propres objets et on observe alors un accroissement des dépenses que les adultes sont désormais disposés à accorder aux enfants. L'étude Consojunior 2002 le prouve puisqu'elle a estimé à 1,83 million d'euros le pouvoir d'achat des enfants de 2 à 19 ans. Des spécialistes considéraient même que la moitié des biens de consommation courante entre dans leur famille par leur intermédiaire. 93% d'entre eux donneraient ainsi leur avis sur les produits qui les touchent directement (alimentation et habillement), 42% sur les jeux et jouets, 8% sur le multimédia.
Dès lors, ils sont informés (publicité, cours de récréation, etc.) et deviennent des consommateurs experts qu'il ne faut pas prendre à la légère. Les marques l'ont bien compris et développent des produits et des services qui sont de plus en plus directement destinés à cette catégorie de la population. De plus, la cible enfant est une cible particulière car l'enfant évolue, au fil des âges, autant sur le plan psychologique, intellectuel mais aussi émotionnel. Les marques se retrouvent donc en difficulté et doivent trouver des moyens de communication adaptés à cette cible.
Le poids économique considérable que représentent aujourd'hui les enfants a ainsi conduit de plus en plus d'entreprises à les intégrer dans leur réflexion marketing. Ceci nous conduit à nous demander si les politiques marketing appliquées aux enfants vont, dans une certaine mesure, à l'encontre de l'éthique. En résumé, en s'adressant directement à l'enfant pour le convaincre d'acheter ou de faire acheter une marque, l'entreprise ne va-t-elle pas trop loin ?
Afin de délimiter notre sujet et de simplifier la réflexion, nous n'étudierons que les outils marketing destinés aux enfants de 0 à 12 ans. Nous exclurons ainsi les adolescents. De plus, nous nous pencherons plus précisément sur le cas de la France ; ce qui ne nous empêchera pas, malgré tout, de comparer la situation en France avec celle des autres pays.
Étant donné que notre problématique est axée sur la dimension éthique, il est nécessaire avant d'entrer dans le vif du sujet de définir ce terme d'“éthique” et de préciser dans quelle mesure il s'applique dans le cas présent.
D'après le dictionnaire, l'éthique désigne l'ensemble des principes moraux d'une personne ou d'un groupe. Par exemple, l'éthique chrétienne condamne la bigamie. Il s'agira donc ici de délimiter les comportements éthiques des comportements non éthiques des entreprises ciblant les enfants. On peut juger qu'une entreprise a un comportement éthique envers l'enfant à partir du moment où elle ne l'influence pas en le manipulant.
Nous verrons ainsi dans un premier temps pourquoi les enfants sont si importants aux yeux des entreprises. Puis, afin de mieux comprendre dans quelle mesure le marketing peut les influencer, nous étudierons leurs caractéristiques, pour ensuite analyser quelques outils marketing ciblant les enfants en réfléchissant à leurs conséquences sur ces derniers. Nous nous pencherons enfin plus particulièrement sur la publicité et le marketing scolaire.
Pour cela, nous avons étudié les différents courants de pensée sur le sujet grâce à divers ouvrages et articles, notamment à travers des exemples, tout en confrontant nos conclusions sur le terrain grâce aux entretiens.
[...] III.4 Les publicitaires 1 L'enfant en tant que cible La perception de la publicité par les enfants Une première analyse[27] montre que : Les enfants ne perçoivent pas systématiquement les intentions commerciales d'une publicité avant l'âge de 12 ans. Les enfants réagissent de manière affective devant la publicité, perçue comme un spectacle. Pour les 3 à 5 ans, la publicité est une histoire racontée. N'ayant pas conscience de la finalité de la publicité, ils ne dissocient pas le produit de sa publicité[28]. Les 6-8 ans prennent progressivement conscience du rôle de la publicité, le niveau de reconnaissance est très fort. A partir de 9-10 ans, l'attitude à l'égard de la publicité se modifie profondément. [...]
[...] Ces réactions négatives sont les plus fréquentes chez les enfants de 6 à 8 ans et dans les familles modestes. Pourtant dans cette étude, le nombre de désaccords entre le choix de l'enfant et celui du parent était le même chez les familles modestes et celles de revenus moyens. A égalité de désaccords, les conflits semblent donc plus fréquents dans les familles défavorisées. L'explication tient pour partie au style des refus. La comparaison des formes prises par les refus, selon le milieu social des mères, montre que la fréquence des refus expliqués croît avec le niveau social. [...]
[...] Déjà ancien sur le marché, sa consommation semble entrée dans les mœurs des enfants déclarent consommer des bonbons au moins une fois par semaine et 15% tous les jours. La marque faisant l'objet de publicités est nettement plus connue que les autres. Cependant, l'envie d'acheter un paquet de bonbons est identique entre une marque, une marque de distributeur et une marque de hard discount Ni pain, ni fruits dans les publicités pour enfants On a noté que près de 70% des publicités pour enfants ne ciblent en fait que certains types de produits : produits sucrés, céréales et bonbons. [...]
[...] De fait, on a assisté dans l'enseignement primaire à une prometteuse floraison de séances d'éveil et de sensibilisation aux médias, à la publicité et à la consommation. Les revues d'enseignants fournissent de nombreux exemples de ces démarches. Des livres fleurissent pour aider les parents à former leurs enfants à l'image, à éduquer les yeux ouverts. Mais la pédagogie du jeune consommateur revient essentiellement aux parents. Quel autre modèle serait plus digne d'imitation pour l'enfant ? Cette nouvelle tâche de l'éducation représente un véritable défi pour les parents. En effet, ceux-ci estiment en général que l'apprentissage des compétences d'acheteur s'acquiert essentiellement en les imitant. [...]
[...] Dans une réplique de cette expérience, la procédure expérimentale fut légèrement modifiée : après avoir vu l'émission de télévision (et la publicité qu'elle contenait), l'enfant retrouvait sa mère dans une salle où figuraient de nombreuses marques de corn-flakes, dont la nouvelle marque test (avec la prime). Tous deux étaient laissés seuls pour choisir un paquet comme remerciement de leur participation : les enfants de 7-8 ans prirent plus souvent le nouveau produit que les enfants de 4-6 ans, mais globalement peu d'enfants le prirent. Faute d'autres études significatives publiées sur ce sujet, quelles remarques peut-on faire ? L'évidence empirique montre que l'effet de distraction dépend du format du message : on ne saurait porter de généralisation. [...]
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