La société française de 1968 vit une période de crises profondes dues à un contexte économique, politique et social particulier. La croissance exceptionnelle des années cinquante et soixante s’essouffle, les dissensions politiques internes sont fortes et l’affrontement Est-Ouest continue de diviser sensiblement le monde en deux blocs. Une terrible crise morale de revendication agite le pays. Il suffit de la montée revendicative d’une jeunesse qui réclame une société moins rigide pour que le régime bascule en Mai 1968. Après une période de doute, le général De Gaulle se retire. Les évènements de mai 1968 et le printemps de Prague, pays dans lequel a vécu Hubert Beuve-Méry, hâtent également la retraite programmée de ce dernier qui ne comprend plus cette société contestataire et ses jeunes journalistes, partisans de la révolte. Ses espoirs les plus profonds de paix s'effondrent.
Beuve-Mery passe la main en laissant à ses successeurs un journal en bonne santé, disposant d’une excellente réputation et des journalistes reconnus comme spécialistes de l’information. Cependant, en quelques années, le journal change profondément de dimension : si le journal mêlait affrontement et respect mutuel en matière politique, tout en affirmant avant tout un désir de neutralité, il dérive vers une position de rivalité avec le politique et établit même parfois des connivences avec certains milieux policiers ou judiciaires dans le but de rendre soit disant « plus transparente » l’information. De Fauvet à Colombani, les successeurs de Beuve-Méry conduisent Le monde à une véritable révolution journalistique, faite d’innovations, de croissance et de modernisation, mais également de graves dérapages remettant en cause l’incontestable rigueur de ce « faiseur d’opinion ».
[...] Le déficit éclate en 1983 avec un record de 29 millions de francs. Un plan de consolidation financière doit être trouvé : la réponse est d'aller chercher de l'argent à l'extérieur, auprès des lecteurs et dans quelques grandes entreprises françaises. L'Agence France Presse dressa alors ce commentaire : Le Monde apprend à être un journal comme tous les autres, il sait qu'il peut mourir On notera également que la crise n'a pas seulement atteint Le Monde : la presse quotidienne parisienne est également en effervescence, et subit de mars 1975 à juin 1977, la grève du Parisien Libéré et la mainmise de Robert Hersant sur Le Figaro en juillet 1975 et sur France Soir en août 1976. [...]
[...] Durant ces douze années Le Monde connaît donc une croissance dans tous les paramètres du quotidien. La prise des fonctions de Fauvet s'accompagne d'un élargissement des associés et le recrutement des journalistes obéit quant à lui à la sécularisation. Les rédacteurs ont plus de pouvoirs, on multiplie les pages et les postes administratifs, concourant ainsi à un consensus pour soutenir les gérants dans leurs projets. Il y a un esprit conquérant même si les projets sont tout de même empreints des valeurs fondatrices de la maison : modernité, dimension sociale, image culturelle, et critères éthiques. [...]
[...] Une large partie du lectorat soutient le journal mais il enregistre une chute rapide du nombre des lecteurs. Ces épisodes démontrent que Le Monde est sorti de son rôle traditionnel de censeur pour entrer dans l'arène politique au risque d'y ternir son image et celle de la rédaction. La violence des attaques subies par Le Monde expliquera qu'on utilise contre lui les procédures judiciaires car les dérapages méritent bien la rigueur de la loi Ainsi, le 30 avril 1980, le projet sécurité et liberté est adopté, visant à renforcer la sécurité et pratiquer la liberté des personnes. [...]
[...] A côté de ces bouleversements des structures économiques, une nouvelle formule apparaît le 9 janvier 1995 : l'information est plus hiérarchisée, la maquette plus rythmée, le nouveau caractère plus lisible et de nouvelles pages comme "Horizons" sont créées. Les conséquences sur les ventes sont impressionnantes, elles augmentent de 6,7%. Sous l'impulsion de Plenel, le journal se veut le plus réactif possible et en réaffirmant sa place de quotidien de référence, il se mêle des affaires de la vie publique et se tourne vers le journalisme d'investigation. Depuis cette époque, la formule du journal ne cesse de changer et des suppléments d'apparaître afin de diversifier le lectorat. [...]
[...] La critique anti-Monde connaît alors une vigueur exceptionnelle dans les années 1970. Les fautes majeures reprochées au Monde concernent l'appréciation du maoïsme (1964), de la révolution culturelle en Chine, la description de la prise du pouvoir au Cambodge par les Khmers rouges (15 avril 1975, le Monde titre à sa une Phnom Penh libérée l'acceptation des atteintes à la démocratie portées au Portugal par les militaires, la présentation et les commentaires du terrorisme en Allemagne, le parti pris pro palestinien Le neutralisme si cher à Hubert Beuve-Méry aurait-il disparu ? [...]
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