Lorsque l'on parle de « communication de marque », on a coutume de penser immédiatement à la publicité sous ses diverses formes : télévision, radio, presse, affichage, Internet, etc. C'est en effet à travers ces différentes prises de paroles qu'une marque communique. Néanmoins, nous avons tendance à oublier que la première manifestation d'une marque correspond au produit que cette marque fabrique et propose aux consommateurs. Ce produit est en effet lui aussi un objet de communication. Il est donc important, lors de son élaboration, de ne pas oublier qu'au même titre que les publicités, il devra lui aussi tenter de séduire les potentiels consommateurs. De plus, pour être vendu, ce produit a besoin d'être conditionné : c'est le rôle principal du packaging.
Un packaging est en effet une enveloppe qui facilite la manutention, le stockage et la conservation d'un produit. Mais au-delà de cette définition, le packaging met en jeu bien d'autres aspects : l'usage, la consommation, la sécurité, la facilité de transport, l'adaptation au lieu de vente, la protection, l'identification ou encore la valorisation de la communication, comme nous l'avons suggéré plus haut. En marketing, l'intervention qui sera faite sur le packaging aura pour but de faciliter la vente du produit tout d'abord par le merchandising, celui-ci ayant une fonction d'information et de communication, mais également par le design. Le design regroupe l'ensemble des éléments qui affectent l'aspect et le fonctionnement du produit du point de vue de son utilisateur. C'est donc par le design qu'une marque va tenter de séduire les consommateurs, tout en communiquant sur son produit et sur elle-même.
Ainsi, notre analyse portera-elle sur le design produit afin d'observer comment une communication peut émerger d'un packaging. En utilisant la méthodologie sémiotique, nous pourrons définir plus précisément par quels procédés un packaging communique sur le produit qu'il contient et sur sa marque. Pour cette analyse, nous avons choisi de travailler sur un type de produit, correspondant à un marché particulier : celui des spiritueux.
Le packaging est en effet très important pour un produit alimentaire tel que celui-ci car il s'agit d'un produit liquide qu'il est impossible de modeler afin d'en modifier l'aspect. Il ne s'agit pas d'un produit comme un meuble par exemple dont on peut faire varier le design afin de le rendre plus attractif, plus esthétique, etc. Dans le cas d'un produit alimentaire, toute la communication se place uniquement sur le packaging. Nous allons donc étudier le packaging de spiritueux, à savoir les bouteilles contenant ces alcools.
Les spiritueux correspondent à toutes les boissons alcoolisées à l'exception des vins et des alcools pétillants appartenant à la famille des bières et cidres. Cela constitue un marché assez vaste qui comporte plusieurs types d'alcools, regroupés notamment selon les segments suivants : cognacs, whiskies, gins, vodkas, rhums, liqueurs et apéritifs. Pour pouvoir effectuer une analyse plus précise et détaillée, nous avons réduit notre corpus à diverses marques correspondant à quatre segments d'alcools particuliers, néanmoins assez différents les uns des autres aussi bien en terme de types d'alcools que de modes de consommation. Notre corpus se compose donc des bouteilles de :
- six marques de cognacs : Camus, Courvoisier, Hennessy, Martell, Otard et Rémy Martin,
- six marques de whisky, dont quatre Scotch Whiskies : Aberlour, Ballantine's, J&B et Johnnie Walker, un Irish Whiskey : Jameson et un Bourbon : Jack Daniel's,
- six marques de vodka : Absolut, Eristoff, Poliakov, Smirnoff, Wyborowa et Zubrowka,
- neuf marques de liqueurs et apéritifs : Bailey's, Dubonnet, Get 27, Malibu, Martini, Manzanita, Passoã, Ricard et Soho .
Comme certaines de ces marques présentent plusieurs références conditionnées dans plusieurs bouteilles différentes (notamment les cognacs qui possèdent toujours une gamme assez large de produits), nous avons choisi à chaque fois la référence la plus connue et/ou d'entrée de gamme de chaque marque. Pour les cognacs par exemple, nous avons sélectionné les cognacs de type V.S. (« Very Special ») qui correspondent aux cognacs les plus consommés (à l'exception de la marque Otard dont la bouteille de V.S., très différente de toutes les autres références, ne reflète pas assez l'univers de la marque ; nous avons donc retenu pour cette marque la bouteille de V.S.O.P. ).
Nous allons donc commencer par une analyse sémiotique du design des bouteilles. L'intérêt sera de catégoriser les différents systèmes de signes présents sur les bouteilles. Nous pourrons donc étudier les signes plastiques, les signes visuels puis les signes textuels. Nous nous arrêterons également sur le traité des bouchons des bouteilles, faisant cohabiter ces trois systèmes de signes, afin d'observer leur rôle spécifique.
Puis, dans un second temps et à partir de l'analyse des signes, nous pourrons déterminer les effets de sens impliqués par le traitement des signes. Nous observerons plus précisément les mises en scènes spécifiques à chaque segment d'alcool. Nous pourrons ainsi déterminer de quelles façons les bouteilles communiquent sur leur marque, mais aussi mettre à jour les divers procédés spécifiques à chaque segment d'alcool en terme de design.
Enfin, nous tenterons de dégager pour chaque segment d'alcool l'univers thématique qui lui est associé. Cet univers, déterminé par le design des bouteilles, correspondra également à la perception des alcools par le consommateur.
[...] En effet, on observe que les bouteilles affichent ostensiblement leur nom ainsi que le type de produit qu'elles contiennent. Les noms de marques sont toujours les éléments textuels les plus visibles : inscrits en gros et avec des caractères typographiques larges et simples (des linéales) et toujours des lettres capitales. De plus, après le nom de marque, le mot le plus visible est le mot vodka Chaque marque énonce de façon évidente quel type de produit elle présente. Enfin, nous avions précédemment noté que les noms de marques possèdent toujours une évidente consonance slave (russe, polonaise, géorgienne, etc.). [...]
[...] En revanche, beaucoup de bouteilles utilisent des motifs au traité figuratif abstrait. Mais il est intéressant de noter les diverses façons dont sont stylisés ces motifs. Certains ne possèdent que leurs contours, comme le blason sur la bouteille d'Eristoff représenté uniquement par la forme de l'étiquette. D'autres motifs apparaissent sous forme de gravures spécifiques dans le verre, comme les couronnes de Smirnoff et Eristoff. De fait, nous voyons qu'il n'existe pas de véritable régularité dans l'utilisation des motifs au niveau des bouteilles de vodka. [...]
[...] Bouchons au rôle de synthèse Figure 15 En revanche, certains bouchons ne reprennent pas d'éléments déjà présents sur la bouteille. Ils ont ainsi un rôle de complément d'information puisqu'ils présentent en effet des éléments nouveaux. Ces éléments sont de plusieurs ordres. Nous pouvons noter par exemple le bouchon de la bouteille de Zubrowka comportant des inscriptions textuelles explicitant le lieu d'origine du produit. Le bouchon de la bouteille Hennessy présente quant à lui la signature du créateur, absente sur le reste de la bouteille. [...]
[...] Ces bouteilles se placent dans le mythe, la légende, et parviennent à mêler histoire et distinction. Sur le segment des vodkas, la valeur fondamentale est la clarté. Mais celle-ci est comprise dans les deux sens du terme, à savoir clarté physique (lumière, épure) mais aussi la clarté au sens de l'évidence, de la transparence de l'information. On peut tout d'abord observer une clarté du design notamment grâce à la transparence du verre de chacune des bouteilles de vodka. Comme nous l'avions noté, cette transparence est décuplée par l'utilisation d'étiquettes elles aussi transparentes ou de sérigraphie, ainsi que par la transparence du produit lui-même, laissant la lumière traverser les bouteilles de part en part. [...]
[...] En revanche, certaines bouteilles possèdent un style affirmé avec ce que nous pouvons nommer une forme sublimée. Ici, on choisit un volume précis (cylindrique ou parallélépipédique) sur lequel on va jouer au maximum afin de bien le mettre en valeur. Prenons l'exemple de la bouteille d'Absolut. Celle-ci possède un volume cylindrique parfaitement valorisé car totalement équilibré : il ne subit aucune déformation. De plus, la jonction entre le col et le corps de la bouteille est fortement marquée. Cela permet de démarquer le col, et donc de ne pas l'assimiler au corps afin de ne pas déformer le volume cylindrique. [...]
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